Adapter la sécurité sociale belge aux défis climatiques : un enjeu de cohérence

L’environnement évolue rapidement. Le dérèglement climatique impose des adaptations, mais aussi une réponse aux impacts concrets – comme ceux vécus lors de l’été 2021. Les crises sanitaires, les transitions technologiques, notamment l’intelligence artificielle, bousculent nos repères. Il est temps d’ouvrir la réflexion sur une sécurité sociale du XXIe siècle. Premières réflexions ici du côté d’UCM.

Depuis quelques mois, des travaux académiques ont étudié l’intérêt d’élargir le périmètre de la sécurité sociale belge pour y intégrer les impacts du changement climatique. C’est notamment l’objet du rapport piloté par l’UCLouvain avec l’ULB « Construire une protection sociale-écologique pour la Belgique » publié en janvier 2025. Arnaud Ruyssen y consacrait cet été un épisode des Clés « Faut-il adapter notre sécurité sociale au risque climatique ? ».

Ces propositions incluent entre autres choses :

  • la création d’une nouvelle branche dédiée aux risques environnementaux,
  • l’instauration de revenus de transition pour les travailleurs en reconversion,
  • ou encore l’accès universel à des services essentiels comme l’eau, l’énergie ou le logement.

Si ces idées traduisent une volonté de renforcer la résilience sociale pour la population belge, elles appellent une analyse rigoureuse de leur faisabilité financière et de leur cohérence avec les missions fondamentales de la sécurité sociale.

La sécurité sociale ne peut absorber les missions de l’État

La sécurité sociale repose sur un financement contributif, principalement issu des cotisations sociales versées par les travailleurs salariés, les employeurs et les indépendants. Elle est conçue pour couvrir des risques clairement identifiés : maladie, invalidité, vieillesse, maternité, chômage, faillite. Étendre son champ d’intervention à des enjeux relevant de la politique climatique reviendrait en grande partie à lui faire assumer des missions qui relèvent du budget général de l’État, financé par l’impôt. Une telle extension poserait des problèmes de soutenabilité financière, et une remise en question non nécessaire de son mode de gouvernance.

Pour UCM, si la Sécu ne peut pas tout, il y a une notion cruciale qu’il faut développer : c’est la cohérence entre la Sécu et l’action plus générale de l’Etat en vue de rendre la Belgique plus résiliente.

Renforcer la prévention primaire dans le champ de la santé

Il est pertinent de renforcer les dispositifs de prévention primaire dans le champ de la santé. Cela inclut la sensibilisation aux effets du dérèglement climatique sur la santé physique et mentale, la promotion de la robustesse individuelle, et l’adaptation des mécanismes existants pour mieux accompagner les personnes fragilisées. Ces actions relèvent du cœur de métier de la sécurité sociale et doivent être consolidées, notamment via les mutuelles, les services de santé et les campagnes d’information. On voit aussi que ce n’est pas limité à la Sécurité sociale fédérale, mais aussi dans le champ des Communautés et Régions, notamment à l’AViQ et chez IrisCare.

Résilience territoriale et industrielle : compétence publique, appui ciblé de la Sécu

Les politiques d’aménagement du territoire, d’isolation des bâtiments, de transition énergétique ou de reconversion professionnelle relèvent des compétences de l’État et des Régions. La sécurité sociale peut y contribuer de manière ciblée, notamment en soutenant les transitions professionnelles rendues nécessaires par le changement climatique, mais aussi par d’autres mutations comme l’automatisation ou l’intelligence artificielle. Ce soutien doit rester encadré, proportionné et compatible avec les équilibres budgétaires du régime.

Adapter les dispositifs existants aux périodes de non-travail

Il est opportun de questionner certains dispositifs existants pour mieux couvrir les périodes de non-travail liées à des événements climatiques extrêmes (inondations, canicules, tempêtes). Le chômage temporaire pour force majeure ou le droit passerelle pour les indépendants constituent des outils déjà mobilisables.

Leur renforcement, dans un cadre clair et maîtrisé, permettrait d’offrir une protection ciblée sans remettre en cause les fondements du système.

Une couverture illimitée des risques climatiques : une impasse budgétaire

Enfin, il faut poser des limites claires. La sécurité sociale ne peut couvrir tous les risques liés au climat : accès à l’eau, sécheresse, migrations, perte de biodiversité… Ces enjeux relèvent de politiques publiques transversales, pilotées par les autorités compétentes.

Vouloir tout intégrer dans la sécurité sociale reviendrait à diluer ses missions fondamentales et à compromettre sa viabilité. Pour les PME et les indépendants, il est essentiel que la sécurité sociale reste un outil de solidarité ciblée, fondé sur des cotisations proportionnées et des droits clairement définis.

L'auteur.e de cet article

Renaud FRANCART
La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
Renaud FRANCART

Renaud FRANCART

La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.

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