Une proposition de loi veut permettre aux entreprises belges d’inscrire une mission sociétale ou environnementale au cœur de leur stratégie. UCM accueille favorablement cette initiative tout en demandant des ajustements pour garantir son accessibilité aux indépendants et PME.
Un cadre juridique adapté pour les entrepreneurs engagés
Une proposition de loi déposée au Parlement vise à introduire dans le Code des sociétés la possibilité, pour toute entreprise qui le souhaite, d’adopter la qualité de « société à mission ». Inspiré du modèle français de la loi PACTE, ce cadre permettrait aux entreprises d’inscrire dans leurs statuts une raison d’être et des objectifs sociaux ou environnementaux, mais surtout de l’assortir d’un mécanisme de suivi et de contrôle interne et externe.
Pour UCM, l’initiative est intéressante mais ne va pas sans poser des questions. En effet, les indépendants et les PME démontrent déjà au quotidien qu’entreprendre, c’est aussi répondre à un enjeu de société, créer de la valeur locale, de l’emploi. Nombreux sont déjà ceux qui veillent à limiter les impacts négatifs et à agir avec responsabilité. De nombreuses petites entreprises vivent déjà leur mission au quotidien sans avoir besoin d’une labélisation.
Il est donc important de proposer un cadre qui soit accessible au plus grand nombre et suffisamment souple pour ceux qui souhaitent développer leur crédibilité et leur visibilité.
Cette nouvelle qualité pourrait donc constituer un levier intéressant pour :
- Formaliser leur mission et structurer leur démarche de durabilité
- Se différencier sur leurs marchés face à une concurrence accrue
- Attirer et fidéliser les talents (78% des jeunes diplômés privilégient les employeurs engagés selon une étude Robert Half)
- Réduire le turnover (les entreprises à valeur fortes réduisent le turnover de 25%)
- Renforcer leur résilience face aux évolutions réglementaires (CSRD, taxonomie, devoir de vigilance)
- Donner un cadre lisible et “officiel” pour les actionnaires, les clients et les collaborateurs.
Avec ce cadre, la Belgique rejoindrait ainsi un mouvement déjà bien établi en France, en Italie, aux Pays-Bas ou aux États-Unis, où ces modèles hybrides — lucratifs et engagés — rencontrent un succès croissant.
Des limites et des interrogations :
Pour UCM, la proposition ne va pas sans poser des questions tant sur le fond que sur la forme :
- Le dispositif actuel ne s’adresse qu’aux sociétés, excluant de facto les personnes physiques.
- Bien que volontaire, le dispositif implique des coûts administratifs et de fonctionnement, en plus de couts liés au contrôle externe.
- Actuellement le code des sociétés permet déjà l’intégration d’objectifs autres que purement économiques.
- Si la qualité ne confère aujourd’hui pas d’avantages directs (fiscaux, accès aux marchés publics etc..), nous craignons qu’elle puisse servir de levier de discrimination dans le cadre de politiques publiques ou dans les relations B2B.
Le droit économique et le droit des sociétés a subi des mutations profondes ces dernières années, dans le sens de la rationalisation et de la simplification. Il est donc important que cette proposition s’inscrive dans ce mouvement et ne soit pas une simple transposition du droit français en droit belge.
Les ajustements demandés par UCM
Pour que le dispositif soit praticable et bénéfique à l’ensemble de l’économique belge, nous demandons d’apporter les adaptations et les clarifications suivantes autour du projet :
1. Inclure aussi les entreprises personnes physiques
Aujourd’hui, près d’une entreprise sur deux en Belgique est exploitée sous forme de personne physique. Or celles-ci seraient exclues du dispositif. Nous demandons que la loi permette explicitement aux indépendants en personne physique d’obtenir la qualité d’entreprise à mission, en adaptant le Code de droit économique.
2. Clarifier les obligations et les notions clés
La proposition crée de nouvelles exigences : raison d’être, objectifs, réduction des impacts négatifs, indicateurs, comité de mission ou référent, contrôle externe… Ces notions doivent circonscrites et être mieux définies pour éviter les interprétations divergentes et garantir la sécurité juridique.
Nous pensons que le terme de “société à mission” peut être source de confusion et qu’un autre terme plus précis devrait être considéré.
3. Veiller à des coûts proportionnés pour offrir la possibilité au plus grand nombre
Comité de mission, expert indépendant, contrôle externe, modifications statutaires…
Pour une petite structure, cette mise en place volontaire implique quand même des démarches qui pourraient devenir une barrière à l’entrée.
Des alternatives plus légères – par exemple des actes sous seing privé ou une réduction des obligations pour les très petites entreprises – doivent être envisagées.
4. Éviter toute discrimination future
La qualité de société à mission ne donne pas d’avantage juridique direct. Mais UCM craint qu’elle ne devienne, à terme, un critère de discrimination, notamment dans des relations commerciales asymétriques ou dans certains dispositifs d’aide. Il faut s’assurer que ce statut reste volontaire et non discriminant.
Il s’agit d’éviter de créer une obligation indirecte qui crée une pression qui va à l’encontre de la logique volontaire du dispositif. Ceci ne doit pas empêcher que la qualité crée une valorisation positive qui stimule les entreprises sans les exclure ;
5. Encadrer les recours et la perte du statut
Le texte permet à « toute tiers intéressée » d’initier une procédure visant à retirer la qualité de société à mission. Pour éviter l’insécurité juridique et les abus, il convient de mieux définir les parties prenantes et de garantir un processus progressif, sans retrait automatique après un seul rapport négatif.
Conclusion : un cadre prometteur, à rendre pleinement praticable pour les PME
UCM est d’avis que la création d’une qualité de société à mission peut constituer une avancée positive et un outil intéressant pour visibiliser l’engagement des entrepreneurs.
Pour qu’il tienne ses promesses, il doit être accessible, clair et adapté à la réalité des indépendants et PME, qui constituent l’immense majorité des entreprises belges.
Nous plaidons donc pour des ajustements constructifs : inclusion des personnes physiques, allègement des démarches administratives, sécurité juridique renforcée et cohérence avec le droit de sociétés belge.
Bien conçu, le dispositif pourrait devenir un levier positif pour valoriser l’engagement sociétal des indépendants et PME. UCM continuera à suivre de près le dossier et à défendre une mise en œuvre équilibrée, utile et praticable pour tous.
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