Factures impayées : simplifier le recouvrement

Indépendante en difficulté face à une facture impayée

Derrière une facture impayée ou payée en retard se cache souvent un indépendant, une PME. Et aussi une autre facture, des charges sociales fiscales. Une facture non payée, c’est du temps, des appels téléphoniques, des rappels. De la frustration et encore trop souvent, une perte sèche pour les entreprises qui font face à la mauvaise volonté d’un client. Un grain de sable dans les rouages de notre économie. Il faut simplifier et surtout accélérer le recouvrement de créances, et il y a de quoi faire. Tour d’horizon des pistes de solutions.

Simplifier le recouvrement : une urgence pour les PME

Le Livre XIX du Code de droit économique, entré en vigueur en septembre 2023, encadre le recouvrement amiable des dettes de consommateurs (B2C). Dans notre mémorandum, nous avons demandé à ce qu’il fasse l’objet d’une évaluation. Elle est actuellement en cours.

Le constat que nous faisons est sans appel : ce cadre hyper-formaliste avait pour but de protéger les consommateurs contre les abus, mais il pénalise surtout les petites entreprises.

Il n’a pas apporté non plus de véritable réponse aux problèmes de surendettement des particuliers qu’il entendait combattre . Il n’a fait qu’ajouter des lourdeurs inutiles pour les indépendants et PME.

En pratique, la procédure est très peu respectée par les petits opérateurs : beaucoup de PME continuent d’envoyer des rappels informels (coup de fil, e-mail, sms…) sans suivre les rigidités imposées par la loi. Faute de se plier au formalisme (exigences strictes pour le premier rappel écrit “gratuit”, mentions obligatoires, preuve d’envoi…), elles se retrouvent juridiquement démunies si le client ne paie toujours pas et ne peuvent alors réclamer aucune indemnité compensatoire. Ainsi, près de la moitié des indépendants (professions libérales) abandonnent purement et simplement les créances de moins de 200 €, le jeu n’en valant pas la chandelle vu la procédure complexe et coûteuse. L’incertitude, les coûts et la longueur des procédures judiciaires sont clairement dissuasives. En plus de l’impact sur la trésorerie, on constate aussi que les factures impayées sont la 5e source de stress la plus citée par les indépendants affiliés UCM.

Nos propositions pour alléger la procédure B2C

Notre message est clair : il faut d’urgence alléger ce dispositif, le rendre praticable pour les indépendants et PME. Concrètement, le code de droit économique doit être revu pour :

Simplifier drastiquement la procédure de rappel gratuit :

Le premier rappel imposé devrait être beaucoup plus souple dans sa forme et sa preuve : permettre par exemple que tout moyen (y compris l’e-mail) puisse prouver qu’un rappel a été effectué correctement. De même, la mise à disposition d’un modèle type de lettre de rappel offrirait une sécurité juridique supplémentaire à tout le monde et une meilleure information au consommateur.

Harmoniser et unifier les indemnités de retard :

Aujourd’hui, si l’entreprise n’a pas intégré une clause contractuelle valable, une PME ne peut réclamer qu’un intérêt légal dérisoire, qui ne couvre pas ses coûts. Et pourquoi pas appliquer d’office les indemnités prévues par la loi à toutes les créances B2C : généraliser le principe du premier rappel gratuit avec indemnités forfaitaires automatiques en cas de non-paiement. Ceci aurait le mérite de clarifier les choses pour tout le monde et d’éviter toute discussion juridique sur l’opposabilité de clauses, les montants applicables etc… tout en envoyant un signal.

Revoir les montants d’indemnités :

Les montants actuellement prévus par la Loi sont fixes et liés au montant de la créance. Bien souvent, ils ne couvrent pas les frais liés à son recouvrement. La réforme doit être l’occasion de les revoir sur base de l’index (tout en prévoyant leur indexation pour l’avenir) et de de les adapter à la réalité. Les plafonds d’indemnités actuellement définis par la Loi (20 € + 10 % de la créance > 1500 €, etc.) devraient être indexés automatiquement chaque année pour rester cohérents avec l’évolution des prix. Sinon, leur valeur réelle s’érode et ils perdent leur rôle dissuasif.

Facture en cours de recouvrement chez une PME

Le Livre XIX doit cesser d’être un parcours du combattant. La réforme qui vient doit redonner des armes efficaces aux indépendants et petites entreprises pour se faire payer, sans craindre de faux pas juridiques. C’est une question de justice économique : un entrepreneur qui a livré son travail mérite d’être payé à temps et indemnisé équitablement en cas de retard, sans devoir renoncer à ses droits à cause de la complexité administrative.

Marchés publics : l’Etat doit montrer l’exemple

Autre combat : le respect strict des délais de paiement par les pouvoirs publics. Trop souvent, nos indépendants et PME travaillant pour l’État ou les collectivités (marchés publics, commandes de services…) subissent des délais de paiement inacceptables. La loi est pourtant sans ambiguïté : les autorités doivent payer leurs fournisseurs dans les 30 jours maximum. Depuis le 1er janvier 2025, cette règle a même été renforcée : un nouvel arrêté impose un délai unique de 30 jours “tout compris”*, incluant à la fois la vérification administrative du marché et le paiement. Autrement dit, fini le vieux schéma tolérant 30 jours pour vérifier la facture + 30 jours pour la payer : désormais, tout dépassement au-delà de 30 jours sera illégal.

Pour UCM, il est impératif que cette norme des 30 jours soit réellement respectée sur le terrain. Les PME ne peuvent plus servir de banques auxiliaires à l’État ! Et en cas de retard, l’application automatique des intérêts moratoires prévus (au taux légal). Ces pénalités existent dans les textes, mais sont encore trop rarement mises en œuvre. Les créanciers hésitent à froisser leur client public en les réclamant. Ce rapport de force doit changer. L’administration doit montrer qu’elle prend au sérieux ces délais : tout paiement hors délai dans un marché public devrait entraîner de facto le versement des intérêts de retard, sans que le fournisseur ait à en faire la demande.

I

Procédure RCI : un outil encore trop peu utilisé

Saviez-vous qu’il existe, depuis 2016, une procédure plus simple pour récupérer vos factures impayées entre entreprises ? Le Recouvrement des Créances Incontestées (RCI) est un mécanisme extrajudiciaire qui permet à un créancier d’obtenir un titre exécutoire en quelques semaines, sans passer par le tribunal.

Concrètement, via un avocat et un huissier, une sommation de payer est envoyée au débiteur. S’il ne conteste pas la créance dans le mois, l’huissier dresse un procès-verbal de non contestation validé automatiquement par un magistrat.

Ce PV vaut jugement et autorise toutes les mesures de saisie utiles. La philosophie est : pas de contestation = pas de juge, on gagne du temps et de l’argent.

La procédure RCI est une avancée majeure pour les entreprises : plus rapide, plus efficace et moins coûteuse qu’une action en justice classique.

Procédure judiciaire de recouvrement des créances en Belgique

Elle évite de mobiliser un juge pour des dossiers « évidents » (factures reconnues ou non contestées) et soulage d’autant les cours et tribunaux. Pourtant, force est de constater qu’en Wallonie et à Bruxelles, cet outil reste largement sous-utilisé par les entreprises. Par manque d’information ou par crainte de complexité, beaucoup continuent de recourir directement au tribunal pour des factures impayées qui auraient pu être traitées via RCI. C’est d’autant plus dommage que, souvent, l’assignation en justice n’est qu’une formalité (le débiteur ne comparaît pas et est condamné par défaut) – exactement le cas de figure que voulait éviter la procédure RCI… On se retrouve alors à encombrer la justice et à allonger les délais, au détriment du créancier.

UCM appelle donc à mieux faire connaître et à simplifier l’accès à la RCI. Nous recommandons une campagne d’information ciblée, pour expliquer aux PME le fonctionnement concret de la procédure et ses avantages.

La procédure RCI a fait ses preuves pour le recouvrement de créances B2B. A ce titre, nous sommes convaincus qu’elle peut aussi être une solution intéressante pour les entreprises faisant face à des mauvais payeurs (consommateurs) de mauvaise foi. Nous demandons donc au gouvernement d’étudier comment elle pourrait être adaptée au contexte B2C, tout en respectant les droits des consommateurs.

Résumé des propositions pour une économie plus fluide

Nous voulons un cadre cohérent et efficace pour tous les types de créances :

  • Pour les créances B2C, un recouvrement amiable simplifié où l’indépendant n’est plus piégé par la complexité administrative ! Il faut simplifier le cadre et redonner du pouvoir aux petites entreprises face aux mauvais payeurs, sans compromettre la protection du consommateur de bonne foi.
  • Pour les créances B2B, la procédure RCI a fait ses preuve mais reste insuffisamment utilisée en Wallonie et à BruxellesAidons les PME à l’adopter. Les factures non contestées doivent pouvoir être récupérée rapidement, sans attendre des mois un jugement qui ne fait qu’acter l’évidence.
  • Pour les créances vis-à-vis des pouvoirs publics (B2G), nous demandons simplement le respect du délai légal de 30 jours, et à défaut, l’application automatique des indemnités de retard prévues par la Loi.

Pour les indépendants et PME, UCM revendique le droit à être payé (à temps), et continuera à se battre pour que la règlementation protège ce droit.

Olivier Vandenabeele

Olivier Vandenabeele

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