Accord BATOPIN : Tenir compte des commerçants

Distributeur automatique de billets en Belgique, enjeu pour les commerçants dans le cadre de l’accord Batopin

En Belgique, tout le monde à son avis sur Batopin. Et il est rarement positif. On ne compte plus le nombre d’articles de presse, de posts sur les réseaux sociaux, de positionnements politiques qui dénoncent « la disparition du cash », les problèmes techniques, les commerçants qui râlent sur le déploiement de Batopin. À tel point que l’accord de gouvernement ARIZONA prévoit « une évaluation de l’accord sur l’accès aux distributeurs automatiques de billets ». UCM s’est livré à l’exercice et vous partage ses constats et recommandations.

La place du cash en Belgique

De l’aveu de toutes les parties prenantes et concernées (directement ou indirectement) par l’accord, il est admis que le cash continue et continuera à jouer un rôle important dans la société belge. Il est porteur d’inclusion non seulement pour les consommateurs mais également pour certains commerçants et entrepreneurs. Nous rappelons que contrairement aux moyens de paiements électroniques, les transactions en cash ne présentent pas de coût direct pour les commerçants.

UCM défend la liberté d’entreprendre et d’entreprendre librement. C’est pourquoi nous défendons la coexistence des différents moyens de paiements dans notre économie et soutenons les initiatives qui permettent aux indépendants et PME d’avoir un accès aux moyens de paiements qu’ils souhaitent privilégier dans leur entreprise.

UCM se félicite donc de l’existence d’un accord entre l’état fédéral et (une partie) du secteur bancaire. Celui-ci confirme la responsabilité qui est celle des banques quant à la circulation du CASH au sein de la société belge. Il constitue certainement un pas dans la bonne direction et est une bonne base pour envisager le futur.

Client payant en espèces chez un commerçant local en Belgique – importance du cash pour le commerce de proximité

L’accompagnement au changement

Nous reconnaissons que l’accord Batopin et sa mise en œuvre impliquent un total changement de paradigme par rapport au modèle qui a préexisté. Il implique tant un changement de mentalités que d’habitudes pour les consommateurs et les entreprises. Et nous constatons que l’impact de ce changement a été sous-évalué. « L’accompagnement au changement » est un point qui a été sous-investi. Cela explique une partie du mécontentement qui se manifeste aujourd’hui dans la société.

Cette grogne repose également en partie sur le fait que l’argument avancé pour justifier la diminution de la mise à disposition de cash par les banques est partiellement erroné. En effet, il est souvent avancé que la diminution du nombre d’ATM s’explique par une diminution de l’usage du cash dans les transactions. La perception des consommateurs et des commerçants, confirmée par l’étude approfondie réalisée par Hub.brussels sur le sujet confirme plutôt l’inverse…

La diminution du nombre d’ATM entraîne une diminution de l’usage du cash dans les transactions.

hub.brussels – étude 2024

Aussi, il ressort de l’analyse et des retours de terrain (fédérations, indépendants – commerçants – et autorités communales) que la difficulté majeure autour de la mise en place du modèle Batopin se trouve davantage dans les termes de base de l’accord plutôt que dans le respect de celui-ci par Batopin. Un exemple : prendre comme référence la situation au 31 décembre 2021, alors que l’usage du cash avait été largement réduit par la pandémie de Covid et le nombre de distributeurs fermés pendant cette période, était une erreur.

Pour UCM, l’accord doit être renforcé et approfondi, sans attendre 2027, tant en termes de couverture que dans sa mise en œuvre.

Main entrant un code PIN sur un distributeur automatique en Belgique – accès au cash et enjeux du modèle Batopin

Faire de l’évaluation une opportunité pour le commerce local

Nous appelons le Gouvernement à mieux tenir compte des besoins des commerçants dans la politique de localisation des distributeurs.

La révision de l’accord est une opportunité pour en faire un véritable levier de (re)déploiement économique et de soutien au commerce local et indépendant. Il ressort en effet des analyses et des nombreux témoignages (d’associations de commerçants notamment) que la présence d’un ATM dans un quartier commerçant a un impact positif sur la dynamique commerciale.  

On peut saluer les efforts importants de Batopin pour améliorer sa communication ainsi que sa disponibilité, en particulier avec les autorités communales. Il est important de poursuivre et de renforcer cet effort en garantissant aux communes, des points de contact efficaces. De la même façon, les commerçants doivent aussi pouvoir bénéficier d’une prise en charge rapide et personnalisée lorsqu’ils font face à un incident.

Nous constatons que Batopin peine à trouver des emplacements adéquats, qui répondent aux normes d’installation d’un distributeur à billets. Nous sommes dès lors convaincus qu’une évaluation et une révision ponctuelle de ces normes permettraient de trouver plus facilement les emplacements nécessaires dans certains quartiers.

Enfin, il est important de souligner que l’accord Batopin doit trouver sa place dans une politique globale de mise à disposition et de réception du CASH aux consommateurs et commerçants. L’accord ne lie qu’une partie du secteur bancaire. Il serait cependant pertinent d’examiner comment il est possible de mieux articuler / étendre l’accord avec d’autres banques – d’autres acteurs du cash (Axa / Crélan / Bpost et autres acteurs).

Il ne doit pas non plus dispenser les banques de mettre à disposition des possibilités de dépôt et de retrait sécurisées et abordables à leurs clients commerçants.

Pour les acteurs communaux (surtout des grandes villes), il est important de donner une visibilité globale des tous les DAB (Batopin ou non) présents sur leur territoire pour mieux piloter la politique commerciale.    

Perspectives et recommandations

L’accord Batopin est un « game changer » comme on en voit rarement en Belgique. Sa mise en œuvre concerne chaque belge, chaque entreprise. Cela en fait, du monde ! Nous ne nous attendions pas à ce que tout soit parfait dès le départ, les jeunes doivent faire leurs maladies…

Aujourd’hui, nous avons suffisamment de recul pour voir qu’au-delà des réactions émotionnelles légitimes autour de cette transformation, des choses peuvent être améliorées et dans quel sens elles doivent l’être.

Revoir les termes de l’équation

En nombre de distributeurs par habitants, la Belgique se classe… 25ème. Pourtant, les Belges font encore 39% de leurs paiements en cash, avec, on s’en doute, des disparités régionales et locales.

UCM demande donc que soient revues les variables de l’équation pour que le nombre total de distributeurs à installer soit plus élevé (6 distributeurs pour 10.000 personnes) et, surtout, tienne compte des réalités locales et régionales.

Dans cette équation, nous demandons qu’aux côtés des consommateurs, une place soit faite aux commerçants. Ils ont besoin de pouvoir déposer leur argent en toute sérénité mais ils doivent aussi pouvoir compter sur la présence de distributeurs en nombre pour dynamiser l’économie de proximité.

Concrètement, il s’agit de :

  • Maintenir une bonne accessibilité pour les noyaux commerciaux déjà bien desservis en 2021 et améliorer l’accessibilité dans les noyaux commerciaux peu ou pas desservis ;
  • Equiper d’au moins un site chaque noyau commercial ;
  • Equiper d’un nombre de sites permettant à chaque noyau commercial d’atteindre un taux d’équipement de maximum 125 commerces actifs par site ;
  • D’assurer la couverture spatiale de 95 % des points de vente situés dans un noyau selon une distance de dix minutes à pied depuis chaque site ;
  • D’équiper d’au moins un site proposant la fonction dépôt chaque noyau commercial.

Nous appelons également les autorités à élargir le spectre de l’accord Batopin pour qu’il soit mieux tenu compte des autres acteurs, comme bpost.

Enfin, le calcul ne devrait pas être uniquement celui de la rentabilité. Certains distributeurs ne sont peut-être pas très utilisés mais remplissent une fonction essentielle dans les communes rurales. Aussi, la possibilité de procéder à la fermeture des ATM qui génèrent moins de 20.000 retraits par an devrait être révisée.

Gageons que l’évaluation et la révision de l’accord Batopin soit l’occasion de faire de cet outil un véritable levier d’inclusion, de liberté mais surtout de dynamisme économique et commercial local.

Olivier Vandenabeele

Olivier Vandenabeele

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