Commerce VS plateformes : un match équitable ?

En quelques années, les plateformes de commerce en ligne sont devenues incontournables dans notre paysage commercial. En rassemblant des milliers de vendeurs en un même endroit, on peut y trouver à peu près tout (et n’importe quoi) à des prix défiant toute concurrence et se le faire livrer chez soi en 24 heures, parfois moins.

Dans le même temps, le commerce de détail indépendant est sous pression. Dans un contexte de transition, il est à la croisée des chemins.  

UCM a fait le point ce mercredi au parlement et présentait ce mercredi ses propositions au parlement pour soutenir le commerce et ré-équilibrer les rapports avec les plateformes.

Le commerce à la croisée des chemins

Le commerce est le second secteur de notre économie (les premier secteur est celui des services), avec quelques 130.000 entreprises, 500.000 emplois salariés et 340.000 emplois indépendants, sans compter toutes les entreprises de services, de la construction qui dépendent de près ou de loin de ce secteur. C’est peu dire qu’il est un pilier de notre économie.

Le contexte économique est difficile, et il l’est certainement encore plus pour le commerce.

En 2022, le commerce est le secteur qui a connu le plus grand nombre de faillites (2020 faillites pour 4.500 emplois perdus). C’est également le secteur dans lequel on déplore le moins bon taux de survie. Fait nouveau et interpellant, on constate une diminution du nombre de créations de commerces.

Ces chiffres, ce sont les vitrines de nos centres-villes qui restent désespérément vides, ce sont ces commerces de villages qui ne trouvent pas repreneur…

Des difficultés connues :

Pourtant, les difficultés sont connues, UCM les rappelle depuis longtemps :

  • Les seuils de rentabilité ne sont plus ce qu’ils étaient : imposition record du travail, coûts de l’énergie, produits des matières premières, loyers disproportionnés etc… La transition digitale et environnementale amène avec elle des coûts qui n’existaient pas avant.  
  • Trop de concurrence tue la (petite) concurrence : sur les dernières décennies, la Belgique à laissé se développer des espaces dédiés au commerce sans avoir une réelle vision d’ensemble sur l’impact de ces grands centres sur les commerces des centres-villes et des villages. La concurrence des magasins présents à nos frontières prive le commerce belge de plus de 700 millions chaque année.
  • Nos villes ont perdu de leur superbe : les problèmes d’insécurité, de mobilité, d’accessibilité font fuir les consommateurs et les commerçants !
  • Pénuries : pas d’exception pour le commerce. Difficile d’encore trouver du personnel de qualité qui a envie de s’engager à long terme dans ce secteur exigeant.

Plateformes et commerce de détail – une relation déséquilibrée.

Les plateformes ont indéniablement une capacité d’innovation et d’investissements que n’ont pas les commerçants indépendants. En plus de cela, on constate des pratiques déloyales :

  • Déséquilibre contractuel : On ne négocie pas avec Amazon. Et il est presque impossible de se faire entendre lorsqu’on a des raisons de se plaindre.
  • Les limites du tout au consommateur : Le plateformes mettent le consommateur au centre de leur approche commerciale. Mais tous les consommateurs ne sont pas toujours de bonne foi et il faut donner aux commerçant de faire valoir ses droits en cas d’abus. Par exemple, lorsque le consommateur retourne un produit qui a été utilisé, lorsqu’il laisse un commentaire malveillant.  
  • Une concurrence inégale : Faire commerce via une plateforme, c’est se mettre en concurrence avec des acteurs qui ne sont pas soumis aux mêmes règles. Ça devient encore plus difficile quand c’est la plateforme elle-même qui met ses produits en vente et qu’elle contrôle les algorithmes de recherche. Pour les commerçants, passer par une plateforme revient souvent à devoir baisser ses prix de vente et est rarement rentable.

La valeur du commerce

Cette audition était l’occasion de rappeler la place du commerce dans notre économie et la nécessité de ne pas rester passif face aux difficulté que traverse le commerce actuellement :

  • La valeur économique : Deuxième secteur de notre économie, le commerce participe à l’élévation de nos conditions de vie et de notre confort matériel.
  • La valeur sociale : Le commerce indépendant, c’est aussi des emplois, de qualité et non-délocalisable, mais surtout qui permettent de mettre à l’emploi des catégories socio-professionnelles très différentes. C’est également des lieux de rencontre, de cohésion sociale. On y soutient les mouvements de jeunesse et les associations locales. Se priver de cette valeur, c’est aussi devoir assumer ce rôle silencieux que joue le commerce local.
  • La valeur environnementale : naturellement, les commerçants indépendants sont proches de leur environnement, de leur terroir. Ils aiment faire appel à de la production locale, des services et entreprises proches de chez eux.

Le commerce indépendant, c’est aussi ce qui fait vivre et permet de préserver le savoir-faire – parfois ancestral de nos artisans.

Et si on arrêtait la naïveté ?

UCM a rappelé ses propositions pour soutenir le commerce indépendant et rééquilibrer les rapports avec les plateformes de commerce en ligne :

Même si il est « light », un cadre existe déjà pour donner un minimum de droits aux commerçants actifs sur les plateformes. La base serait de contrôler le bon respect de ce règlement par le plateformes.

Des mesures fiscales :

  • UCM demande, comme l’a fait la France, que la Belgique se penche sur l’opportunité d’instaurer une taxe sur profits réalisés en Belgique par les géants du numérique (Taxe GAFA) afin de financer la transition des plus petits[1].

  • UCM demande une baisse de la TVA sur la production réalisée par un artisan agréé.

En agissant sur les mentalités et sur les comportements :

  • UCM demande que des campagnes massives de sensibilisation au rôle économique et sociétal du commerce local indépendant soient lancées.

  • UCM demande une interdiction de la pratique déloyale du « retour gratuit ».

En encadrant les relations lorsque c’est nécessaire :

  • UCM soutient le projet relatif aux clauses abusives dans les contrats de franchise qui ressortent du secteur alimentaire.

  • UCM demande un meilleur encadrement des périodes de promotion « sauvages ». UCM ne souhaite pas de black Friday qui dure un mois

Rappeler la valeur sociétale du commerce, c’était aussi l’occasion de rappeler que la transition ne se fera pas sans eux. Au delà de l’équilibre, nous avons rappelé qu’un transition juste impliquait de reconnaître la valeur sociétale du commerce indépendant, de lui redonner sa place et de le soutenir dans sa démarche de transition.

Au-delà des mesures de correction, UCM plaide pour que s’opère une véritable réflexion de fond sur l’avenir du commerce et du rôle sociétal qu’on entend lui donner et qu’on puisse définir une véritable politique économique et commerciale cohérente sur cette base.


Olivier Vandenabeele

Olivier Vandenabeele

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