Détachement de travailleurs : un enjeu européen, un défi belge

"Réunion de chantier entre travailleurs détachés pour coordination de travaux transfrontaliers

Ce 19 juin, UCM participait à Louvain à un colloque autour de la fraude sociale intra-européenne, à l’initiative de l’Autorité européenne du travail (ELA). Le focus était placé sur les difficultés de faire fonctionner le système des détachements, notamment dans le secteur emblématique de la construction. Très instructif, alors que la Belgique prépare son plan stratégique 2026-2029 de lutte contre la fraude sociale. UCM, qui participe aux discussions, y est attentive à vos intérêts en tant qu’indépendants et dirigeants d’entreprise.

Le 19 juin dernier, l’Autorité européenne du travail (ELA) organisait donc à Louvain une conférence sur le détachement abusif dans l’Union européenne. Le phénomène des indépendants fictifs y a été particulièrement mis en avant, notamment dans des secteurs où des montages opaques permettent de contourner les cotisations sociales nationales. Sans cibler particulièrement ces deux pays en termes de sources de situations frauduleuses, ce colloque était rehaussé par la présence de représentant slovaques et roumains.

Détachement de travailleurs : circuler librement au sein de l’UE

L’objectif du système de détachement reste de préserver la libre circulation des travailleurs, principe fondamental de l’UE, sans encourager les abus ni mettre les entreprises locales en difficulté.

Le détachement intra-européen, c’est quoi ?
Ce dispositif permet à un salarié ou un indépendant d’un pays de l’UE de travailler temporairement dans un autre État membre tout en restant affilié à la sécurité sociale de son pays d’origine. Ainsi, un travailleur salarié slovaque peut, avec une attestation A1 fournie en Slovaquie, pendant deux ans intervenir sur des chantiers en Belgique, sans payer de cotisations sociales en Belgique (mais donc en répondant à ses obligations sociales slovaques). Idem pour l’indépendant polonais qui aurait des missions temporaires en Belgique. Tout cela est bien réglementé, puisque, outre l’attestation A1, un enregistrement doit aussi se faire dans l’application LIMOSA.

Les discussions à Louvain ont confirmé qu’il est nécessaire de mieux surveiller certains flux de détachements, sans stigmatiser un pays ou une activité, mais en concentrant les contrôles sur les situations à risque, souvent connues des services et des fédérations professionnelles. Sont principalement visées les filières de faux indépendants.

Contrôler dans le pays d’origine : un levier efficace contre les faux indépendants

L’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (INASTI) mène de nombreuses actions sur le terrain. Mais aussi avec les institutions des autres Etats de l’UE, notamment les « Etats d’origine » (pays d’où proviennent de nombreux travailleurs détachés).

Une manière – la plus efficace à ce stade – de lutter contre les filières frauduleuses est de faire vérifier par l’Etat d’origine la vraie qualité d’entrepreneur indépendant. Exemple : si l’affiliation en Slovaquie ne repose sur aucune activité réelle dans le pays, il peut être démontré qu’il s’agit d’une affiliation fictive, et l’attestation A1 est alors annulée.

A l’analyse, ce sont des actions complexes et lentes, qui méritent d’être challengées.

Etre faux indépendant : abusif, sauf en cas de détachement UE !?

UCM a eu l’occasion de mettre en évidence une aberration majeure du système des détachements UE : ce système permet d’exercer en Belgique en tant que faux indépendant.

Explication :
Pour UCM, une attestation A1 comme indépendant (affilié au régime de sécurité sociale du pays d’origine) ne vaut pas pour l’exercice d’une activité indépendante en Belgique. Si l’activité en Belgique est réalisée dans le cadre d’un lien de subordination, alors il s’agit bien d’une activité salariée. Et cela change complètement la donne : en cas d’activité indépendante dans un autre Etat de l’UE – disons en Pologne – et d’une activité salariée en Belgique, le travailleur est soumis à la législation de l’État où est exercée l’activité salariée, peu importe le pays de résidence.

Ce plan, coordonné par le SIRS (Service d’Information et de Recherche Sociale), trace les lignes d’action du gouvernement fédéral pour garantir une concurrence loyale, lutter contre les abus dans l’emploi et protéger notre modèle social. Autant de priorités que les indépendants et PME partagent… à condition que les moyens restent ciblés, efficaces et adaptés aux réalités du terrain.

UCM plaide pour une lutte équilibrée contre la fraude sociale

Depuis des années, les fédérations d’employeurs – dont UCM – soutiennent une lutte contre la fraude sociale ciblée, équilibrée et concertée. Elles rappellent trois principes incontournables :

  1. Cibler les abus réels et d’ampleur, notamment les réseaux organisés, les montages transfrontaliers frauduleux ou les pratiques déloyales dans certains secteurs.
  2. Éviter l’alourdissement administratif et mental pour les employeurs honnêtes. La législation doit rester lisible, les démarches raisonnables, et les contrôles proportionnés.
  3. Associer les secteurs à la construction des solutions. Les fédérations professionnelles connaissent leurs réalités et soutiennent une concurrence loyale. Elles sont des alliées naturelles de cette politique si elles sont concertées en amont.

🔎 Et maintenant ?

Le plan stratégique 2026-2029 du SIRS sera bientôt décliné en actions concrètes. UCM restera attentif à ce que ces mesures respectent l’équilibre entre la lutte contre la fraude et le respect des entreprises. La lutte contre les détachements abusifs et les faux indépendants est légitime. Mais elle ne peut réussir que si elle s’appuie sur les réalités du terrain, la simplicité des règles, et la confiance dans les entreprises qui jouent le jeu.

L'auteur.e de cet article

Renaud FRANCART
La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
Renaud FRANCART

Renaud FRANCART

La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.

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