Deliveroo du mal

Le sort des coursiers Deliveroo défraye la chronique. Sont-ils salariés ou indépendants ? Pour l’UCM la question est ailleurs.

La question qui fâche.

Qu’est ce qui fait qu’on est salarié ? La condition de salarié trouve sa substance dans un lien de subordination. Ceci signifie que l’une des parties au contrat à un pouvoir de direction et de contrôle sur le travail de l’autre. Ça, c’est pour la théorie. En pratique, il est devenu très difficile de détecter ce qui relève du lien de subordination de ce qui n’en relève pas.

Et ce n’est pas qu’une question de plateforme collaborative ou non. Actuellement, nombreux sont les professionnels qui, bien que salariés, jouissent d’une telle autonomie dans leur travail qu’il est permis de se demander si le lien de subordination est encore bien réel entre eux et leurs employeurs.

Dans le cas de Deliveroo, ce qui interpelle, c’est le pouvoir qu’a la plateforme sur les coursiers. Principalement le pouvoir d’exclure le prestataire de la plateforme sans préavis ni indemnité. Un pouvoir qui, cela dit, existe aussi dans l’autre sens. Les coursiers choisissent de prester ou non ainsi que le moment. Ils ne sont d’ailleurs pas à proprement parler « recrutés », ils remplissent un formulaire en ligne.

Et si c’était des indépendants ?

Etre indépendant n’a rien de la vie cauchemardesque que certains décrivent. Les indépendants ont une pension, des soins de santés remboursés, un droit « passerelle » quand les choses se passent mal… toutes choses qui sont le fruit de combats menés notamment par l’UCM. Il s’agit donc d’un réel statut avec ses protections, ses prestations sociales, ses relais…

Pour nous, il n’est pas question de considérer que les coursiers Deliveroo, même en tant qu’indépendant, n’ont besoin d’aucune protection et doivent être livrés à eux-mêmes. En tant qu’utilisateurs actifs d’une plateforme, ils ont des droits. En tant que représentants d’une marque, ils ont des droits. En tant qu’indépendants, ils ont des droits.

Cette manière de concevoir les choses semble interroger les concepts au travers desquels nous avons créés notre système de sécurité sociale : le statut social. Lorsqu’on s’installait dans un statut, c’était pour y faire sa vie… Aujourd’hui, certaines activités sont le fait d’étudiants qui envisagent ce projet pour une durée qui ne dépassera pas celle de leurs études (ça peut se limiter à quelques heures…). D’autres passent d’un statut à l’autre au fil de leur carrière, des opportunités rencontrées.

Et si la réponse était économique ?

Le quasi-monopole de Deliveroo est un facteur qui ne permet pas aux prestataires de concevoir leur activité de façon « économiquement équilibrée ». Les prestataires sont avant tout des utilisateurs de la plateforme, des « représentants » de la marque. Ils s’en servent pour matérialiser leur projet entrepreneurial, si limité soit-il… A l’image du franchisé qui se sert de la « recette » de quelqu’un d’autre pour mener à bien son projet propre, le livreur s’inscrit dans un schéma qu’il n’a pas créé pour faire fructifier son activité.

Le moment est sans doute venu de songer à encadrer les activités économiques des prestataires de cette économie de plateforme que ne cesse de bousculer l’entendement (selon que vous prestiez par le biais d’une plateforme ou non, il vous faut des accès à la profession, une formation, des registres comptables TVA, ONSS, INASTI…ou rien !!).  A se préoccuper également des indépendants qui sont dans un lien de « dépendance économique » vis-à-vis d’un client. A imaginer une réglementation qui permettra de rééquilibrer le poids économique de chacune des parties dans le cadre d’un contrat de collaboration. Peut-être à envisager une réglementation de l’abus de dépendance économique, comme le propose le France.

Cette question relève des relations économiques, ce n’est pas une question de statut social. Les deux problématiques sont …indépendantes.

Matthieu DEWEVRE

Matthieu DEWEVRE

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