Nos PME viables, grâce à leur résilience

Chaque année, Graydon, UCM et Unizo publient le rapport sur la situation financière et économique des PME en Belgique. L’année 2020 a été marquée par une crise sans précédent, causée par la pandémie du coronavirus. Tirons les enseignements d’une période inédite, dont la première vague nous a touché en mars 2020.

Une analyse de Charlie Tchinda, économiste, statisticien et coordinateur des études au service lobby UCM.

En Belgique, et dans l’ensemble de l’Europe, plusieurs secteurs d’activité ont été mis à l’arrêt pour limiter la propagation du virus. Ces fermetures partielles et/ou totales ont entraîné à la fois un choc d’offre et de demande, dans la mesure où les entreprises ne pouvaient plus produire et ne pouvaient plus se fournir auprès d’autres entreprises.

Etant donné que les comptes annuels 2020 n’étaient, dans la plupart des cas, clôturés qu’à la fin du mois de décembre et qu’ils ne seraient ouverts à la consultation publique qu’à partir de septembre 2021, nous avons fait le choix de ne pas publier de rapport en 2020. Cette douzième édition du rapport PME est donc spéciale. En effet, produire un rapport sur les évolutions des PME en 2019 n’avait guère de sens, en plein cœur de la crise du sanitaire. Les résultats que nous aurions publiés à l’époque se sont avérés complètement dépassés. Les comptes de l’année 2020 intègrent au moins 9 mois de crise covid.

Les questions préoccupantes pendant la rédaction de ce rapport sont les suivantes. Le paysage entrepreneurial a-t-il pu être préservé pendant cette période difficile ? Les comptes annuels publiés nous montrent-ils comment les entreprises ont géré ces neuf premiers mois de crise ? Pouvons-nous en tirer des conclusions en ce qui concerne l’évolution de l’année écoulée ? Quelle est la robustesse de nos PME ? Peuvent-elles gérer d’autres chocs similaires dans le futur ?

 

Le paysage entrepreneurial : les PME en chiffres

Entre 2019 et 2020, on note une progression de 2,5% à 1,22 millions, de l’effectif des PME en Belgique, malgré les difficultés liées à la pandémie de la covid19.

  • Plus de cinq PME sur 10 (54,8%) sont localisées en Flandre, 25,4% en Wallonie et 10,9% en Belgique. L’augmentation est plus importante en Flandre (+3,2%) comparée à la Wallonie (+1,6%) et à Bruxelles (+1,7%) ;
  • 51,7% des PME exercent en société contre 48,7% en personne physique ;
  • 44% d’entre elles ont moins de 10 ans d’existence, sauf à Bruxelles où cette proportion est de 61% ;
  • Près de 9 chefs de PME sur 10 travaillent seul.

C’est une indication supplémentaire qui confirme la place de plus en plus importante des freelancers au sein des PME. Le paysage entrepreneurial a donc été préservé grâce au soutien des pouvoirs publics et à la résilience des PME.

L’impact de la crise du coronavirus sur les comptes des PME

Les ratios habituellement utilisés pour analyser la santé financière des entreprises sont composés de numérateurs et de dénominateurs. Des améliorations de la productivité, de la solvabilité et de l’indépendance financière des entreprises ont été observés. Mais ces résultats sont erronés et contre-intuitifs dans une période trouble, avec de multiples arrêts de l’activité. Il a donc fallu se pencher sur les postes du bilan et les composantes du compte de résultat. Les charges salariales, la marge brute, l’endettement, les stocks, la trésorerie et les bénéfices ont enregistré des reculs significatifs.

Le chômage temporaire pour force majeure a été et reste une mesure essentielle pour permettre aux PME de traverser cette crise avec le moins de dommages possibles. Ce mécanisme a notamment permis aux chefs de PME d’adapter les heures de travail de leurs salariés pour coller au mieux aux arrêts imposés de l’activité.

Il en a résulté une réduction des charges sociales, des rémunérations et des pensions de près de 9,5% entre 2019 et 2020. On a observé un ralentissement de l’endettement qui est synonyme d’une contraction des investissements.

En effet, le total des dettes contractées par les PME a reculé de 4,8 % entre 2019 et 2020. Le recul a été plus prononcé pour les dettes à court terme auprès des banques (-32,9%). Dans le même temps, le volume total des investissements en immobilisations a diminué de 12,2%.

La réduction des investissements est particulièrement problématique face aux défis des transitions numériques et vertes importantes auxquels notre société et nos entreprises sont confrontées.

Réaction des chefs de PME

L’arrêt de certaines activités économiques en vue de limiter la propagation du coronavirus a créé des pertes de chiffres d’affaires, et par conséquent réduit les bénéfices et/ou causé des pertes aux PME. Pour compenser ce premier choc, elles ont utilisé leurs stocks, et pour celles qui le pouvaient, conservé une plus grande partie de leurs bénéfices au sein de l’entreprise, en réduisant la part du bénéfice distribué. En effet, la valeur des stocks a reculé de 6,2 % entre 2019 et 2020, ce qui montre que les stocks écoulés n’ont pas été remplacés pour de la production. De plus, en 2019 où l’on a enregistré un accroissement de plus de 26,6 % du bénéfice avant impôts à plus de 60,9 milliards d’euros, seuls 28,4 milliards ont été distribués, soit 44% du bénéfice à affecter.

Ils ont ainsi injecté plus de 22 milliards d’euros de plus que l’année précédente dans leurs PME. Les actionnaires/propriétaires auraient décidé d’anticiper et de faire des réserves pour amortir les premiers chocs de trésorerie consécutifs à l’arrêt des activités au début de la crise sanitaire (mars 2020).

Comme un organisme humain, subissant une agression extérieure, et se trouvant en détresse, les PME belges ont dû se mettre en mode « survie », drainant les ressources sur lesquelles elles pouvaient encore compter vers les fonctions vitales de l’entreprises (organes vitaux). Ces ressources pouvaient être internes ou provenir des soutiens publics.

L’impact de ces décisions d’autoprotection de la part des chefs de PME n’a pas été assez souligné jusqu’à présent. Le soutien supplémentaire de nos divers gouvernements a permis de limiter la vague de faillites et de chômage à laquelle on aurait pu légitimement s’attendre.

Force est de constater que nos entreprises, et plus particulièrement, les PME belges ont fait preuve d’une incroyable résilience ces derniers mois. Les chiffres présentés dans ce rapport démontrent bien que les PME ont très vite décidé de préserver leur viabilité. Elles ont maintenu le plus possible de ressources, notamment financières, au sein de leur entité juridique pour faire face aux vents contraires qui ont soufflé en 2020 et qui pourraient se poursuivre sur des horizons de temps plus longs. Même si le soutien public a été d’une ampleur inédite, il faut également souligner la force de résilience des PME.

Ce parallèle avec le mode « survie » du corps humain nous amène également à mieux considérer et préparer la gestion de risques, même au sein des plus petites entreprises. La crise sanitaire met parfaitement en lumière les aspects d’un monde V.U.C.A (vulnérable, incertain, complexe et ambigu) dans lequel évoluent les PME.

La sensibilisation, quant aux organes vitaux et aux gestes de premier secours, doit apparaître dès le lancement d’une activité entrepreneuriale, mais doit également revenir tout au long de son développement.

Que faire pour pérenniser le paysage entrepreneurial dans un environnement aussi instable ?

Pour UCM, les PME belges ont plus besoin que jamais d’un climat de confiance pour poursuivre leurs efforts d’investissement ou remettre en route leur plan d’investissement sur le plus long terme. Les plans de relance, sur plusieurs niveaux de pouvoir, ont quelques années devant eux pour produire leurs premiers effets.

Les PME ont leur place dans ces plans, elles doivent pouvoir en tirer le meilleur. Mais il n’en sera rien si on ne parvient pas à créer un vrai climat de confiance stable tant sur le plan économique, fiscal, social et politique. Cela passe également par une gestion moins tatillonne des évènements susceptibles de provoquer les arrêts d’activités tel qu’on a pu le voir avec cette crise de la covid19.

Tant que ces épisodes d’arrêt et de redémarrage de l’activité seront envisagés, il est important que les mesures de soutien aux entreprises, et plus encore aux PME soient maintenues. Le droit passerelle, le chômage temporaire pour force majeure, les moratoires sur les faillites et le report des dettes fiscales ont permis de donner un peu d’oxygène aux PME pendant cette période difficile. Il faudra aussi s’assurer que la fluidité et la disponibilité du financement soit une priorité. La réduction des délais de paiement, notamment des administrations contribuerait à cette oxygénation des entreprises et des PME en particulier.

Notre communiqué de presse est ici.

Prendre connaissance de l’entièreté du Rapport PME via ce lien.

L'auteur.e de cet article

Isabelle Morgante
Chargée de Communication chez UCM depuis 2009 et aujourd'hui responsable de la communication politique. Je veille à mettre en lumière le travail et l'expertise des conseillers du service d'études, toujours au service des entreprises wallonnes et bruxelloises.
Isabelle Morgante

Isabelle Morgante

Chargée de Communication chez UCM depuis 2009 et aujourd'hui responsable de la communication politique. Je veille à mettre en lumière le travail et l'expertise des conseillers du service d'études, toujours au service des entreprises wallonnes et bruxelloises.

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