Indexation et négociation des salaires : l’introuvable équilibre ?

Les salaires évoluent sur deux jambes, dans la mauvaise direction. C’est la direction qu’il faut changer, pas la démarche.

Un article co-signé par Sophie Heuskin et Matthieu Dewèvre, tous deux experts au service d’études UCM.

Indexation automatique

C’est une quasi exclusivité mondiale : les salaires belges s’alignent automatiquement sur les prix. Pas toujours simultanément.

En effet, les commissions paritaires ont défini la cadence de l’indexation dans chaque secteur (annuelle, trimestrielle, mensuelle). Les salaires finissent donc toujours par rattraper les prix, même si ce rattrapage peut prendre un peu de temps.

Or, actuellement, l’évolution des prix tire les coûts salariaux vers le haut. C’est le moins qu’on puisse dire ! La BNB nous prédit +14% de coûts d’ici 2024 !

Norme négociée

Et l’indexation n’est pas tout. Des accords individuels ou collectifs peuvent également avoir pour effet d’augmenter les coûts salariaux. La fameuse « loi de 1996 » encadre cette négociation. Elle pose une norme que la négociation ne peut dépasser.

Comment ? On observe nos trois plus grands voisins (France, Allemagne, Pays-Bas) qui sont autant nos clients que concurrents. On détermine ensuite ce qui peut être négocié chez nous, en plus de l’indexation et des évolutions barémiques.

Pourquoi ? Pour éviter que l’effet cumulé de l’indexation et de la négociation ne finisse par nuire à notre économie dans son ensemble.

Le but premier est d’harmoniser l’évolution de nos coûts salariaux (rester compétitif). Le but final est de créer et conserver des emplois. Sans client, pas de travail.

Maintenir l’équilibre, changer de trajectoire

Cet équilibre entre la loi de 1996 et l’indexation est fortement mis sous pression par les crises que nous n’en finissons plus de traverser, et les « transitions » qui demandent des investissements colossaux.

Pour nous, il ne faut pas briser cet équilibre. Mais il est indispensable de revoir la structure de nos coûts salariaux de fond en comble. Quand augmenter son salarié de 100 euros en coûte 300 à l’employeur, il y a un problème. C’est ce problème (structurel !) qu’il faut régler.

Des propositions existent. Elles sont parfois critiquables.

Un exemple : le « dividende salarié »

Le principe : Imposer aux entreprises qui veulent verser un dividende à leurs actionnaires, de verser également prime à leurs salariés. Une sorte de dividende salarié.

Cette idée est fondée sur l’imaginaire de dividendes énormes octroyés essentiellement dans les grosses structures (SA cotées en bourse).

La réalité est radicalement différente dans les petites structures. Pour UCM, c’est donc une fausse bonne idée :

  1. C’est une entrave à la liberté d’affectation du résultat qui est la prérogative de l’assemblée générale ;
  2. La redistribution des bénéfices de l’entreprise est incluse dans les augmentations de salaires. Les actionnaires apportent leur capital et ils le risquent entièrement (ils sont peut-être récompensés = récompense de leur risque). Les salariés apportent leur force de travail et sont toujours rémunérés pour. Il ne faut pas confondre les rôles ;
  3. Cette idée crée une fracture entre les entreprises, au détriment de la classe moyenne. Les entreprises qui peuvent octroyer des dividendes attireront les salariés. A l’inverse, les entreprises qui n’ont pas de personnel pourront distribuer davantage de dividendes à leurs actionnaires ;
  4. L’attractivité d’une entreprise pour les travailleurs n’est pas qu’une question d’argent. Il faut prendre en compte également les conditions de travail, la flexibilité, le cadre de travail, les avantages extra-légaux, la relation avec le chef d’entreprise etc ;
  5. L’octroi d’une prime fera nécessairement baisser le résultat des entreprises. Donc ceci va limiter la capacité des entreprises à investir, par exemple dans la transition économique.

Nous répondons ainsi aux syndicats qui veulent revoir la « loi de ’96 » sans toucher à l’indexation. C’est impossible. Et la solution est ailleurs. Pour baisser les coûts salariaux. Pour l’emploi.

Matthieu DEWEVRE

Matthieu DEWEVRE

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