Productivité en Belgique : l’économie à l’ouest, urgence en Arizona !

Le dernier rapport du Conseil National de la productivité a été publié. Ses conclusions sont sans appel : notre productivité ralentit. Par conséquent, notre capacité à relever les défis sociétaux de demain risque d’être gravement hypothéquée. Il est donc crucial de faire de la productivité une priorité de l’agenda politique. Des propositions sont sur la table : il y a urgence à ce qu’un Gouvernement de plein exercice les rende effectives !

Pourquoi la productivité est cruciale pour l’économie

Grâce aux gains de productivité, les entreprises peuvent maintenir leur rentabilité, laquelle est déterminante pour investir et embaucher. Ces différents éléments sont nécessaires pour soutenir la compétitivité de notre économie.

Maintenir cette productivité est socialement souhaitable : elle est non seulement une condition importante de la croissance du revenu réel pour chaque belge, mais elle est un déterminant économique central pour supporter les nombreux défis qui attendent notre royaume. Quelques exemples : le coût budgétaire du vieillissement, le financement des transitions climatiques et technologiques ou encore les défis géopolitiques.

Des entreprises productives garantissent la création de valeur ajoutée et de richesse, pour les générations actuelles et futures. Cela garantit également la soutenabilité des finances publiques et donc notre autonomie dans nos choix stratégiques.

Une productivité en baisse : les failles de l’économie belge

La productivité se décompose en deux éléments principaux :

  • celle du travail, c’est-à-dire la valeur ajoutée de chaque heure prestée par un travailleur.
  • celle du capital économique, correspondant à la valeur ajoutée de chaque produit (matériel ou immatériel, entrant dans ou soutenant un processus de production).

La contribution des deux facteurs de production dépend de leur quantité et de leur qualité. Or, les deux sont sous tension !

Le dernier rapport du Conseil National de la productivité a été publié : la croissance de la productivité est en baisse. Elle n’a été que de 0,5 % en moyenne sur les 5 dernières années. Et ce déclin tendanciel n’est pas neuf. Néanmoins, il s’accélère. Les autorités misaient pourtant sur une croissance annuelle moyenne de la productivité du travail de 1,2% comme référence pour supporter le coût du vieillissement à l’horizon 2070. On en est loi…

Le capital humain comme pierre angulaire de la productivité belge

En Belgique, environ 50% de la productivité est porté par le capital humain, lui-même déterminé largement par l’âge et la qualification. Et avec une population active vieillissante et les révolutions technologiques en cours, les défis ne manquent pas.

Quel que soit le niveau de qualification considéré, la Belgique affiche un taux de productivité plus faible que celui de nos pays limitrophes. Cela s’explique notamment par

  • une part relative trop faible de diplômés dans les filières scientifiques, mathématiques, l’ingénierie et les technologies (50% de moins qu’en Allemagne et deux fois moins qu’en France pour 1000 habitants).
  • un des taux de vacance d’emploi des plus élevés de l’UE, témoignant d’une inadéquation entre les compétences sur le marché de l’emploi et les besoins réels des entreprises.

Aussi, l’amélioration du capital humain contribue largement à l’innovation et à sa diffusion (donc à la formation de capital économique par l’adoption de technologies et les investissements liés). Des technologies à potentiel ne sont pas utilisées avec efficience, faute de personnel qualifié pour les exploiter.

L’industrie : un colosse aux pieds d’argile

C’est l’industrie manufacturière qui affiche le taux de croissance de la productivité le plus élevé en Belgique (1,8%) comme dans nos trois grands pays voisins. Mais chez nous, la croissance n’a cessé de ralentir. Si nous devions en faire une caricature : la Belgique produit les mêmes choses qu’auparavant, sans efficience accrue et moins bien que ses voisins. La modification de la productivité n’est pas due à un changement de notre structure économique mais bien à une incapacité à renouveler nos capitaux efficacement face à la concurrence. La Belgique n’est pas (ou de moins en moins) un territoire attractif pour les investisseurs, alors que la réindustrialisation européenne est en marche.

Il faut bien-sûr prendre en compte également les infrastructures publiques mises à disposition des industries pour expliquer cette situation : les réseaux énergétiques sont, par exemple, un rouage déterminant de la productivité.

Le mouvement de réindustrialisation comporte donc un double enjeu :

  • d’un côté revoir à la hausse le niveau de productivité et de compétitivité
  • et, de l’autre, assurer la nécessaire transition vers des modèles de production répondant aux enjeux de transition que nous connaissons, tenant compte des limites environnementales.

IA et transition écologique : freins ou opportunités ?

Encourager l’adoption de l’intelligence artificielle

Il a été établi un lien positif entre l’adoption de l’intelligence artificielle et la productivité des entreprises. L’Europe et ses entreprises accusent déjà un retard en la matière. Et ce sont généralement les sociétés les plus productives qui ont déjà franchi le cap, creusant alors le fossé avec les autres.

« Adopter l’intelligence artificielle » ne signifie pas l’utiliser de façon ponctuelle mais bien systémique. Le gain de productivité n’est pas une question purement technologique. : les entreprises doivent aussi souvent procéder à des ajustements substantiels dans la manière dont elles organisent la production, gèrent leur personnel, collectent et utilisent les informations, interagissent avec les clients et les fournisseurs… Cela exige de la créativité et de l’expérimentation de la part des gestionnaires, ce qui est risqué et chronophage.

Comme toute innovation, il est nécessaire de donner un cadre stable encourageant l’intégration de l’IA dans les entreprises, et particulièrement les PME. Les chiffres indiquent une relation négative entre adoption de l’innovation et taille de l’entreprise. Dans un contexte de mutation technologique et de pénurie de main d’œuvre, les PME risquent plus que d’autres de ne pas pouvoir intégrer les compétences et technologies nécessaires.

La transition écologique, moteur d’innovation durable

La transition écologique constitue aussi une opportunité pour stimuler la productivité, tout en présentant des défis. D’abord, parce que la Belgique est fortement dépendante des matières premières critiques et stratégiques nécessaires particulièrement à la transition énergétique. Son approvisionnement se heurte à une concurrence mondiale. Ensuite, la transition écologique à mener va induire une obsolescence accélérée d’une part importante des équipements et du capital des entreprises. Celles-ci vont devoir, dans le même temps, renouveler et transformer ce capital économique et humain.

Pour encourager les investissements privés, il faut un cadre réglementaire clair, cohérent et stable, garantissant aux investisseurs la sécurité juridique et financière nécessaire.

Les urgences politiques : où est le gouvernement Arizona ?

Le ralentissement de la productivité en Belgique met en évidence les faiblesses structurelles de notre économie : carence de compétences technologiques, vieillissement de la population active, manque d’adoption de l’innovation dans le tissu économique, finances publiques sous tension, infrastructures vieillissantes, etc.

Les problèmes sont connus, les solutions aussi. Chers négociateurs, il est plus que temps d’aboutir !

Clément Poulain

Clément Poulain

Conseiller Lobby - Chargé des études socio-économiques au Service d'Etudes

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