L’Europe est à un moment décisif. Notre modèle « extraire, produire, jeter » atteint ses limites. Les crises successives, qu’elles soient climatiques, énergétiques, sanitaires ou géopolitiques, révèlent une vulnérabilité croissante de nos chaînes de valeur, en raison d’une dépendance excessive aux importations de matières premières et d’énergie.
La circularité comme évidence économique et sociétale
Face à ce constat, UCM a organisé sa première Commission « Économie circulaire », réunissant représentants d’entreprises, fédérations et experts. Objectif : identifier les freins réels du terrain et coconstruire des réponses opérationnelles pour accélérer l’essor de la circularité.
Le message est clair : les participants appellent à des plans d’action ambitieux — avec une note d’ambition supérieure à 9/10 — fondés sur une refonte du cadre économique. L’économie circulaire ne se limite pas à des ajustements techniques ; elle exige une transformation culturelle, fiscale et réglementaire, soutenue par des investissements ciblés et une gouvernance claire.
L’ambition partagée est simple : faire de la circularité une évidence économique et sociétale, d’abord pour les PME qui forment l’essentiel du tissu productif européen.

Les freins structurels : ce que disent les PME
Un cadre réglementaire encore pensé linéaire
Normes favorisant le neuf, procédures qui ignorent les logiques de réemploi, marchés publics trop lourds pour les petites structures. Les entrepreneurs font face à une mosaïque de règles contradictoires selon les niveaux de pouvoir et l’absence de coordination interfédérale efficace et manquent de vision politique claire.
❌ Une fiscalité en contradiction avec les objectifs
Le coût des matières vierges reste artificiellement bas, car il n’intègre pas les externalités environnementales et sociales. À l’inverse, le travail local, la réparation et le réemploi sont pénalisés par des charges élevées. Résultat : la circularité n’est pas compétitive par défaut.
❌ Une vision trop « fin de vie »
On recycle le déchet au lieu de l’éviter : il faut prioriser les premiers « R” (réduire, réparer, réutiliser).
❌ Un manque d’infrastructures mutualisées
Le manque de lieux partagés pour la collecte, le tri et le réemploi freine les initiatives, particulièrement dans le secteur des emballages. L’accès à certaines filières et la coordination logistique inter-régionale sont insuffisants.
❌ Des freins humains et culturels forts
Du côté des PME, le manque de temps, la complexité conceptuelle, la peur du changement et la charge administrative constituent des obstacles majeurs. La faible reconnaissance des savoir-faire artisanaux et la disparition de certains métiers par manque de formation aggravent le déficit de main-d’œuvre qualifiée. Du côté des consommateurs, la recherche du plaisir immédiat, la culture de la possession soutenue par la publicité et le déficit de sensibilisation publique freinent la demande.

Plaidoyer UCM : 10 propositions prioritaires
Issu d’un processus collaboratif, ce plaidoyer formule dix mesures concrètes et hiérarchisées, destinées aux pouvoirs publics et aux acteurs économiques.
1. Réformer la fiscalité pour rétablir le juste prix
L’objectif pour UCM est de créer un level playing field qui rende l’économie circulaire compétitive et même idéalement moins chère. Instaurer un taux de TVA réduit généralisé sur l’écoconception, la réparation, le réemploi, le reconditionnement, les produits issus de matières recyclées et l’économie de la fonctionnalité. Moduler les cotisations sociales en faveur du réemploi et de la réparation. Instaurer une contribution équitable sur les produits à fort impact environnemental lorsqu’une alternative circulaire existe.
2. Harmoniser les réglementations pour garantir la lisibilité
Aligner les définitions (déchet, sous-produit, fin de statut de déchet), simplifier les procédures d’autorisation, créer un cadre européen clair pour les matières secondaires et assurer la reconnaissance mutuelle des labels régionaux. Instaurer un Accord de Coopération Interrégionale (ACI) pour la gestion des déchets valorisables afin de fluidifier les flux de matières circulaires entre les Régions.
3. Agir sur l’ensemble de l’échelle de Lansink
L’économie circulaire ne doit pas se limiter à la gestion de la fin de vie des produits. UCM plaide pour que les politiques publiques agissent dès la conception, en privilégiant la réduction, la réparation et la réutilisation. Intégrer l’écoconception comme exigence préalable à la mise sur le marché, soutenir la production utile, favoriser l’innovation prolongeant la durée de vie et évaluer systématiquement les politiques sur l’échelle complète.
4. Légiférer avec ambition
Les incitants volontaires ont atteint leurs limites. UCM plaide pour une législation claire, ambitieuse et contrôlée afin de réduire la mise sur le marché de produits non réparables ou à usage unique, élargir le scope de l’indice de réparabilité fédéral, renforcer les contrôles anti-greenwashing et sur les importations, standardiser les emballages via un système de consigne, instaurer des tests pré-démolition et identifier des matériaux critiques à récupération obligatoire.
5. Sensibiliser l’ensemble des acteurs
Former les pouvoirs publics, outiller les PME sur les gains économiques concrets, valoriser les bonnes pratiques et mener des campagnes grand public.
6. Faire des marchés publics un moteur de la circularité
Introduire des clauses et quotas minimaux de réemploi et simplifier l’accès aux marchés publics pour les PME via des lots adaptés et des plateformes dédiées, diffuser des cahiers des charges types, former les acheteurs publics et obliger l’insertion de critères de durabilité.
7. Investir dans la formation et les métiers de la circularité
Développer des filières d’apprentissage avec le Forem et Actiris, soutenir les entreprises formatrices et valoriser les savoir-faire locaux.
8. Structurer un écosystème de financement durable
Faute de level playing field avec l’économie linéaire, les dispositifs d’aides restent pertinents. Simplifier l’accès aux aides, créer des fonds dédiés, reconnaître les coûts intégrés par les modèles circulaires et encourager les financements privés via des garanties publiques.
9. Accompagner les PME dans leur transition
Renforcer les guichets régionaux, proposer des diagnostics gratuits, un suivi personnalisé, du mentorat et des hubs mutualisés favorisant les circuits courts.
10. Monitorer, chiffrer et rendre compte des progrès
Établir un tableau de bord national annuel mesurant les taux de réemploi, la part de matériaux circulaires, la création d’emplois, les réductions de déchets et l’empreinte via des analyses de cycle de vie.

Conclusion
L’économie circulaire n’est pas seulement une réponse environnementale : elle représente une opportunité majeure de compétitivité, de création d’emplois locaux et de résilience pour les entreprises, en particulier pour les indépendants et PME qui constituent le cœur de l’économie belge.
Ces dix propositions constituent une feuille de route cohérente pour rendre l’économie circulaire compétitive, inclusive et créatrice de valeur ajoutée locale. UCM invite les décideurs politiques à les intégrer dans les agendas législatifs et budgétaires 2026.
| Antoine BERTRAND |
L'auteur.e de cet article
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