Réguler les plateformes sans tuer l’entreprenariat

Le défi est grand, l’enjeu est sociétal et les risques de faire pire que mieux sont actuellement bien présents. UCM demande une attention particulière à la liberté d’entreprendre et tire la sonnette d’alarme.

Certaines plateformes comme Deliveroo et Uber font les grands titres de la presse. Très régulièrement. Il y a, là, des problèmes de précarité et des questionnements sur le niveau de couverture sociale. Le dossier est évoqué au niveau européen, et déjà aussi sur la table du gouvernement fédéral.

Certains problèmes sur certaines plateformes

Loin de nous de minimiser l’enjeu. Mais des problèmes existent. L’ampleur de ces problèmes est encore mal cartographiée.

  • On a bien sûr parlé dans la presse des coursiers « sans papier ». C’est une situation inacceptable.
  • Le ministre Pierre-Yves Dermagne cite le trop large recours à la Loi De Croo (500€/mois exonérés). C’est une vraie préoccupation sociétale que nous partageons avec l’ensemble de partenaires sociaux au sein du CNT (Conseil national du travail).
  • Et certains coursiers ou autres opérateurs de grandes plateformes se retrouvent de façon dommageable sans sécurité sociale, pour des activités qui s’apparentent à des activités professionnelles.

Nous sommes, nous aussi, demandeurs que le SPF Finances s’assure d’une juste utilisation de cette loi De Croo aux seules activités occasionnelles P2P (P2P = entre particuliers).

Le lien de subordination juridique, critère stable

Résoudre ces problèmes ne peut pas constituer un prétexte pour revoir et déstabiliser la façon dont on distingue un indépendant d’un salarié. Le problèmes qui trouvent leur origine dans une exception fiscale (loi De Croo) ne peuvent pas être réglés en déstructurant la définition juridique d’indépendant, la définition d’entrepreneur.

Un indépendant est un indépendant aux conditions cumulatives suivantes :

  • s’il n’y a pas de lien de subordination avec le donneur d’ordre (libre organisation du travail, libre organisation du temps de travail et absence de contrôle hiérarchique) et ;
  • si cette relation est bien le choix des deux parties.

Ce qu’on appelle les critères généraux de subordination juridique, qui font l’objet d’une jurisprudence constante, même bien antérieure à la loi sur la nature des relations de travail qui les ont consacrés (Loi « LRT », loi du 27 décembre 2016).

Indépendant vs Salarié : éviter les effets dévastateurs d’une révision des critères

Si le projet du gouvernement est de revoir ces critères généraux ou faire passer des « présomptions » devant ces critères généraux (« présomptions irréfragables »), ce serait alors un projet dont on ne soupçonne pas les effets dévastateurs sur la liberté d’entreprendre et l’économie.

  • Les plateformes non problématiques basées sur un modèle « ListMinut » (maintenant RingTwice) vont, elles aussi, être impactées, administrativement. Leur modèle positif de mise en relation de prestataires avec des clients finaux serait mis à mal ;
  • Les activités toujours plus digitalisées de nombreux secteurs, jusque même les professions libérales (agenda en ligne,…) seront finalement elles aussi touchées. Il faudra démontrer que l’outil digital n’est pas « donneur d’ordre » ;
  • C’est tout l’édifice juridique basé sur l’existence ou non d’un lien de subordination qui est mis à mal, avec – c’est à craindre – une salarisation de toute une série d’activités indépendants, aujourd’hui exercées volontairement par des indépendants, des indépendants solos et des freelances.

On marche sur la tête. On crée les conditions d’un recul de l’entreprenariat en Belgique. Rien ne peut justifier de telles décisions politiques. Encore moins dans le contexte actuel de relance !

Si le projet du gouvernement est celui-là, UCM s’y oppose et s’y opposera sans limites avec la plus grande fermeté, comme l’ensemble des représentants des indépendants au sein de l’ABC (Comité général de gestion pour le statut social des travailleurs indépendants). Nous rendrons cette semaine un avis officiel en ce sens, avec l’ambition que nos positions soient prises en compte par les décideurs politiques au Fédéral.

L'auteur.e de cet article

Renaud FRANCART
La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
Renaud FRANCART

Renaud FRANCART

La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.

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