Loi « Renault » : ne pas déstructurer les PME !

Certains considèrent que les décisions prises par Delhaize (et d’autres) sont des « restructurations ». Ils veulent changer la loi. Mais gare aux impacts sur les PME !

On a déjà analysé une proposition visant à modifier la notion d’UTE. Actuellement, le Ministre Dermagne soumet un autre texte à plusieurs instance (CSIPME, CNT…) pour avoir leur avis. Ce n’est ni une proposition de Loi puisqu’il n’est pas porté par un Parlementaire. Ni un projet de Loi puisqu’il n’est pas porté par le Gouvernement. Quant au fond, nous avons aussi des raisons d’être préoccupés.

Restructuration par ricochet

Proposition la plus impactante pour les PME : obliger un employeur qui prévoit un licenciement collectif, de contacter ses sous-traitants importants à propos de son projet. A charge pour eux d’informer leurs salariés de la procédure et de leur proposer d’y être associé. 

Cette proposition est particulièrement peu claire (que signifie « être associé » ?). Il est toutefois permis de craindre qu’elle ait un impact négatif sur les relations sociales chez les sous-traitants, même s’ils n’ont rien à voir avec la décision de licencier chez leur fournisseur.

Cette sorte de « réaction en chaine » du licenciement collectif et de nature à mettre des PME en difficulté et nous semble, de plus, contraire aux avis et recommandations du CNT. En effet, selon les partenaires sociaux, il est préférable de prévenir le sous-traitant mais pas automatiquement ses salariés. Pour éviter la panique par contagion chez tous les salariés. Les PME n’ont pas besoin d’une « Loi Dacia » à côté de la « Loi Renault ».

Céder son entreprise, mais rester responsable !

On voit également un impact potentiellement important pour les PME dans une autre proposition. Celle qui consiste à imposer à l’employeur qui cède son entreprise d’assumer les modifications de contrat ou les licenciements éventuellement pratiqués par le repreneur, jusqu’à 5 ans (!) après la reprise.

Ceci est inacceptable et impraticable pour bon nombre de chef de PME, pour qui cession est synonyme de pension. De plus, il est inimaginable de céder son entreprise sous condition de ne pratiquer aucun licenciement pour plusieurs années. Aucun candidat repreneur ne peut souscrire un tel engagement. Le risque est en effet immense que le repreneur se voit imposer un licenciement par toutes sortes de circonstances. Et la seule manière de couvrir ce risque au moment de la reprise, ce sera d’augmenter le prix de vente. Au moment où la Wallonie (singulièrement) a besoin de repreneurs pour ses entreprises, voilà un obstacle dont on se passerait bien !

Blocus sur les étudiants

La 3e réforme consiste interdire à un employeur chez qui les travailleurs font grève, d’avoir recours à des travailleurs étudiants pour remplacer les grévistes. On peut comprendre que remplacer poste pour poste un gréviste par un étudiant soit encadré. Toutefois, il ne saurait être question d’interdire complètement le recours à des étudiants les jours où il est fait grève dans une entreprise. 

La « Loi Renault » est plus large que la « loi Renault »

Enfin, une dernière réforme nous parait troubler considérablement le cadre du licenciement collectif. Le projet veut en effet modifier la définition du licenciement collectif. Mais uniquement pour une partie de la règlementation.

Ce qui rend un licenciement « collectif » est la répétition de plusieurs licenciements sur une période de 60 jours. La proposition voudrait modifier la loi pour étendre cette période à 120 jours. Conclusion un plus grand nombre de licenciements pourrait être qualifiés de licenciement collectif.

Or, la matière du licenciement collectif s’étend bien au-delà de la loi du13 février 1998 dite « loi Renault ». Plusieurs CCT du CNT en parlent et ne seraient pas modifiées du fait de cette nouvelle Loi. Ceci va donc créer plusieurs définitions concurrentes de la notion de licenciement collectif.

Il aurait été de loin préférable qu’une négociation ait eu lieu entre le ministre et les partenaires sociaux pour définir ce qu’il faut entendre par licenciement collectif plutôt que de changer arbitrairement la définition du licenciement collectif du côté de la loi mais qu’une part substantielle de ses effets qui sont réglés par les partenaires sociaux elle reste comprise différemment.

A partir de quand ?

Dernier élément d’incertitude concernant cette réforme, son entrée en vigueur. Il est très clair que la volonté de ses auteurs est que les règles s’appliquent à la décision de Delhaize de passer à une structure « 100% franchisée ». Ce qui signifierait une loi rétroactive qui s’imposerait à des licenciements 100 % réguliers quand ils ont été opérés. Les règles changeraient en cours de route !

Matthieu DEWEVRE

Matthieu DEWEVRE

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