Un capital avec la pension ? Oui, calibré.

Travailler plus longtemps ? Obtenir un capital en bonus ? La ministre des Pensions propose 7.500 euros/par an pour ceux qui reportent jusque trois ans leur prise de pension. Idée intéressante. Pour UCM, ce focus sur les 3 dernières années est beaucoup trop réduit. Explications.

Ce 7 juin 2023, la ministre Karine Lalieux déposait dans la presse une nouvelle copie de sa feuille de route pour des mesures en matière pensions. Le fameux plan dit de « réformes des pension » revient dans une nouvelle mouture. C’est juste une sortie dans la presse. Les discussions, aussi budgétaires, débutent seulement maintenant au sein du gouvernement.

L’enjeu est triple :

  • Remettre nos régimes de pension sur les rails de la durabilité, face à l’explosion des dépenses dans les prochaines années et décennies,
  • Améliorer le taux d’emploi des belges dans la tranche 55-64 ans (56,6%),
  • Débloquer la dernière tranche des aides européennes, et éviter aux contribuables belges de payer les intérêts d’emprunts tout à fait évitables.

En Belgique, 85% des salariés ne sont plus au travail au moment de la prise de pension

Au centre de cette nouvelle feuille de route, on retrouve un bonus de pension retravaillé. Ce nouveau bonus a pour particularité d’être payé en une fois au moment de la prise de pension. Un tel capital est beaucoup plus tangible qu’un supplément ajouté la rente mensuelle. C’est vrai.

« Dans nos régimes de pensions, les gens n’ont aucun intérêt à rester plus longtemps », indiquait Pierre Devolder (UCLouvain), LN24 (19 janvier 2023), en soulignant le grave problème du taux d’emploi des seniors dans la tranche 55-65.

Créer un bonus de pension pour celui qui travaille plus longtemps, c’est sans doute une des solutions possibles pour créer cet incitant. Pour corriger cet effet d’aspiration vers la pension.

Il faut néanmoins tenir compte du contexte. L’économiste Jean Hindriks (UCLouvain) présentait ce chiffre basé sur les données officielles : en Belgique, seuls 15% des travailleurs salariés sont encore au travail eu moment de leur prise de pension. Les autres, 85%, sont soit sortis du marché du travail, soit couverts par une assimilation.

Forcer les travailleurs à prolonger en toute fin de carrière : BOF !

Dans sa proposition, la Ministre vise les personnes qui ont une carrière longue qui leur permettrait de partir à la pension avant l’âge légal (66 ans à partir de 2025, 67 ans à partir de 2030). Si vous avez 42 années de carrière (travaillées ou assimilées) à l’âge de 63 ans, vous pouvez sortir avec votre pension.

Et, dans cette situation, travailler jusque 66 ans permettrait de disposer d’un capital net de 22.645 euros.

« C’est un capital net que les gens reçoivent, et c’est un incitant plus positif que les deux euros par jour de travail supplémentaire. Plus de gens vont rester au travail, vont cotiser et ne prendront pas leur pension aussi tôt », Karine Lalieux, RTBF (7 juin 2023).

C’est une proposition intéressante. Impactante. Mais voici quelques premières rapides réflexions :

  • La cible, c’est sans doute principalement les 15% des salariés qui sont encore au travail la veille de prendre leur pension. Par rapport à l’objectif de maintien au travail, n’est-ce pas une cible trop réduite ?
  • La cible, c’est sans doute ceux qui ont une carrière longue. Mais tout autant celui qui a travaillé 42 années jusque 63 ans que celui qui a bénéficié d’une partie de carrière assimilée plus ou moins grande. N’est-ce pas inéquitable ?
  • Pour les travailleurs indépendants, une faillite et un recours temporaire à la dispense (pour les années de graves difficultés financières) empêchent rapidement d’entrer dans les conditions d’une pension anticipée. Et les 22.645 euros ont tôt fait de s’envoler. Est-ce bien solidaire et social ?

En outre, les partenaires sociaux ont déjà exprimé l’idée que, certes il faut encourager le travail, mais pas en toute fin de carrière. Ce n’est pas particulièrement social de forcer financièrement certains seniors à faire les années de trop…

Soutenir le travail tout au long de la carrière : TOP !

Comment éviter ces écueils ? Comment réellement valoriser le travail sur toute la carrière et pas juste au moment où les personnes auraient envie de prendre une pension méritée ?

Pour UCM, une piste assez évidente serait d’étendre la période d’octroi progressif du capital pension. Plutôt que de valoriser le travail en 43e, 44e et 45e année de carrière à hauteur de +/- 7.500 euros/année, l’idée serait de valoriser ce travail effectif à partir de la 35e année de carrière, donnant la possibilité de constituer ce bonus en capital à hauteur de 2.000 euros/année.

L’impact est renforcé :

  • Question cible, la condition de travail effectif est étendue aux 10 dernières années. Pour six années travaillées durant les 35e à 40e années de carrière, je reçois un bonus de quelques 12.000 euros.
  • L’ensemble des travailleurs qui ont la capacité d’arriver à 35 années de carrière sont concernés. Celui qui débute sa carrière à 25 ans peut être encouragé et recevoir un bonus partiel dès 60 ans, même s’il n’est pas en capacité de prendre sa pension anticipée. Son compteur pour le bonus commence à tourner.
  • Chacun sera valorisé par un bonus en fonction et au pro rata de son travail à un moment où il se situe dans la tranche des 55-65 ans. Aussi les indépendants, dont la carrière se constitue de manière moins automatique et sans trou.

UCM attend bien entendu les détails de cette mesure, ainsi que les chiffres budgétaires associés. Elle salue la volonté de la Ministre des Pensions d’avancer. Nous nous tenons prêts à rendre notre avis plus officiel du côté du Comité national des pensions et du Comité général de gestion pour les indépendants, avec notre vision du calibrage du bonus. Et à en discuter constructivement avec Karine Lalieux et David Clarinval.

L'auteur.e de cet article

Renaud FRANCART
La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
Renaud FRANCART

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La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.

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