La durabilité des entreprises sera à l’agenda parlementaire ce mercredi 6 novembre 2024, avec l’examen de la loi de transposition de la directive européenne CSRD. UCM, avec ses partenaires de l’ITAA et d’UNIZO, appellent à ce que cette directive ne soit pas transposée sans prendre aussi des mesures qui protègent les PME, et ainsi plus largement notre économie.
Mi-octobre 2024, l’Europe a rappelé à l’ordre la Belgique pour ne pas avoir transposé la directive CSRD. Cela fait-il de la Belgique le pire élève de la classe ? Non.
La Belgique, le plus mauvais élève en matière de durabilité ?
La Chambre des Représentants se penche seulement cette semaine sur la loi de transposition (dossier parlementaire). La Belgique n’est pas seule dans cette situation. Dix-sept États-membres de l’UE et de l’EEE, dont les Pays-Bas, l’Allemagne et le Luxembourg, prennent également leur temps pour transposer cette directive. C’est compréhensible, étant donné les répercussions énormes sur les grandes et petites entreprises.
Cette semaine encore, la France en appelait à un « moratoire » (article paru dans le Monde).
La preuve que la transposition de cette directive en droit belge doit être suffisamment réfléchie et de qualité. UCM, avec L’ITAA et UNIZO appellent le parlement à anticiper les problèmes !
Qu’est-ce que la directive CSRD ?
La directive CSRD exige que les grandes entreprises (sociétés dépassant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, un total du bilan de 25 millions d’euros, et 250 employés) de réaliser annuellement un rapport dit « extra-financier ». Elle leur impose de suivre et de publier, en plus de leur bilan financier, un bilan ESG (environnemental, social et de gouvernance), donnant ainsi autant d’importance à la dimension durable qu’à la dimension économique de leurs activités.
Un commissaire aux comptes ou un réviseur d’entreprise doit évaluer ce document : une procédure appelée « assurance limitée », qui soumet les informations à des exigences de contrôle et de documentation pour garantir une certaine fiabilité aux tiers quant à leur exactitude et leur exhaustivité.
63% des PME impactées, par ruissellement indirect
Mais quel est le lien avec les PME ? Juridiquement parlant, aucun. Mais en pratique, la directive CSRD prévoit que le rapport de durabilité doit aussi inclure des informations sur les entités présentes dans la chaîne de valeur de l’entreprise, souvent des PME.
L’ampleur de cet effet de « ruissellement » est considérable. Une étude d’impact européenne montre que 63% des PME européennes seront affectées indirectement par cette directive. En appliquant ce ratio aux 1 141 700 PME en Belgique, cela signifie que plus de 700 000 PME seraient concernées, soit bien plus que les 2 380 grandes entreprises belges.
Les données ESG : le nouvel or noir
Actuellement, nous constatons que les grandes entreprises, soumises à l’obligation de publier un rapport de durabilité, demandent le plus d’informations possibles à leurs fournisseurs. Les questionnaires actuels sont souvent marqués par une « inflation d’informations ». De plus, les banques, soumises à leur propre réglementation européenne en matière de durabilité, demandent elles aussi davantage d’informations pour limiter leurs risques et tendent à commercialiser ces données, entraînant des questionnaires souvent beaucoup plus détaillés que nécessaire.
Au-delà de la question de la quantité de données, nous craignons également que les grandes entreprises ne demandent des garanties disproportionnées sur ces données (exemple : un audit par un réviseur d’entreprise).
“Think small first”. Penser d’abord PME !
Mais le fardeau administratif imposé aux petites entreprises dans la chaîne de valeur est disproportionné pour une autre raison. Lors de la rédaction de la directive CSRD pour les grandes entreprises, l’Europe a négligé l’impact indirect de cette réglementation sur les petites entreprises de la chaîne de valeur. Cela revient à utiliser un canon pour tuer une mouche.
Ursula Von Der Leyen a d’ailleurs reconnu cela dans son discours sur l’état de l’Union et souhaite réduire les obligations de rapportage de 25% au niveau européen. Mais comment cette bureaucratie supplémentaire s’accordera-t-elle avec cette promesse de réduction ?
Appel : armer les PME contre les effets de la transposition de la directive CSRD
UCM, l’ITAA et UNIZO demandent aux décideurs politiques d’analyser attentivement et de continuer à réfléchir à la manière de réduire la pression sur les petites entreprises dans la chaîne de valeur lors de la transposition de la directive CSRD, pour éviter qu’elles ne soient exposées aux exigences et demandes contradictoires des entreprises et institutions financières soumises à la loi.
Concrètement, nous demandons :
- que la loi pose un cadre aux données qui peuvent-être demandées aux indépendants et PME.
- que la loi pose un cadre sur le niveau d’assurance pouvant être demandé par les grandes entreprises.
- que la loi interdise la commercialisation des données récoltées dans le cadre de la CSRD.
Tous les partis se sont engagés à faire de la simplification administrative une priorité. Nous espérons donc que tous prendront au sérieux le principe « Think small first » là où l’Europe a échoué. L’UNIZO et l’ITAA restent engagés dans un dialogue avec tous les partenaires concernés, y compris l’Institut des réviseurs d’entreprises.
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