Faut-il réguler l’économie de plateformes?

À l’occasion de l’examen de deux propositions de résolution de députés bruxellois, l’UCM a été auditionnée en Commission économie du Parlement bruxellois en vue de donner son avis. La question centrale était la régulation de ce nouveau type d’économie. Explications des enjeux.

On estime le potentiel économique de l’économie collaborative ou de plateformes entre 90 et 100 millions en 2020 à Bruxelles. Cette nouvelle économie stimule l’esprit d’entreprendre. Il convient d’encourager ces nouvelles formes d’entrepreneuriat. Une véritable opportunité de tester une nouvelle activité.

Au fond, de quoi parle-t-on?

Certains parlent d’économie de plateformes, d’autres d’économie collaborative. Difficile de s’y retrouver. Surtout en l’absence de définition claire et incontestée.

Selon notre analyse, au sens strict, l’économie collaborative peut être définie comme un usage de bien optimisés dans une relation de particulier à particulier pour un usage temporaire et sans échange de propriété. Ces échanges reposent sur la réciprocité.

Quand à l’économie de plateformes, elle vise le fournisseur de bien ou le prestataire de service qu’il soit particulier ou professionnel dans une relation de partage de coûts ou de paiement d’une rémunération.

Cette analyse n’est pas partagée par tous, en effet, certains estiment que l’économie collaborative englobe également les petites structures et les initiatives locales avec partage de coûts. L’économie de plateformes est alors réservée aux grandes structures avec paiement d’une rémunération.

Faut-il réguler et que faut-il réguler?

Globalement, tout le monde est d’avis que le cadre légal existant n’est pas suffisant ou à tout le moins pas adapté. Une régulation s’impose selon nous sur tous ces aspects dans une approche globale (droit du travail, fiscalité, sécurité sociale, accès à la profession, droit du consommateur etc…). Jusqu’à présent, il n’y eu que des législations ciblées.

L’économie collaborative au sens strict ne doit pas être encadrée mais encouragée. Contrairement à l’économie de plateformes qui doit être régulée au cas par cas en fonction de l’usage et de la fréquence.

Smart regulation

La Chambre des classes moyennes (CCM) a rendu un avis d’initiative en mai 2017 visant à instaurer une « smart regulation ». Nous partageons pleinement cet avis. Alors qu’est ce une « smart regulation »?

C’est une analyse au cas par cas des activités sur base de 5 critères :

  1. finalité,
  2. nature de ce qui est échangé,
  3. fréquence de l’activité,
  4. type de plateformes
  5. nature des parties prenantes.

Ensuite, trois zones de régulation sont mises en place :

Zone 1 – Hors régulation : cela vise ce que nous appelons au sens strict l’économie collaborative. Aucune réglementation particulièrement ne s’applique.

Zone 2 – Smart regulation avec incitation ou vigilance : Une analyse au cas par cas permettrait de distinguer les activités à inciter et celles à réguler sur base de l’usage et la fréquence des prestations. La réglementation serait appliquée seulement en cas d’échange rémunéré de manière récurrente.

Zone 3 – Smart regulation avec réglementation sectorielle : Est visé le prestataire de service qui exerce de manière récurrente. On parle de prestataires professionnels. Ceux-ci se verraient appliquer la réglementation applicable aux acteurs traditionnels.

Complémentairement, nous estimons que deux distinctions doivent être opérées : distinguer les prestataires occasionnels des prestataires professionnels et distinguer les plateformes qui mettent en relation un particulier et prestataire et celles qui donnent des ordres.

Deux illustrations :

  • Des acteurs comme Deliveroo qui rémunèrent eux-mêmes leurs prestataires, qui règlent strictement les prix des prestations et la part qui revient aux prestataires, et qui demandent aux prestataires de s’afficher sous la marque de la plateforme, doivent donc bien entendu faire l’objet d’une bien plus forte régulation que celles qui se limitent, moyennant une commission, à mettre en contact des prestataires et des citoyens donneurs d’ordres.
  • On ne peut traiter de la même manière un particulier qui loue son appartement via Airbnb quand il part en vacances et la personne qui achète plusieurs biens immobiliers destinés uniquement à la location.

Enfin, c’est un vaste débat qui comprend aussi la question du statut social, nous l’avions déjà évoqué avec notre article  « Comment distinguer un indépendant d’un salarié ? » et celui « Mon livreur : ni indépendant, ni salarié ?« .

Sophie Heuskin

Sophie Heuskin

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