Valorisons nos patrons-formateurs

Valorisons nos patrons-formateurs

Débats budgétaires houleux. Projets de réforme de l’enseignement… Problématique criante du manque de formation de nos jeunes et demandeurs d’emploi, … L’UCM propose une solution : une prime de 10 €/heure à l’entrepreneur qui forme en alternance.

C’est bien connu : la formation en alternance en entreprise assure quasiment un emploi à la sortie et fait rêver nos politiques. Mais s’il faut encourager davantage de jeunes et de demandeurs d’emploi à se lancer dans ce type de formation, encore faut-il disposer d’entreprises formatrices.

Aujourd’hui, de nombreux freins existent et découragent les entrepreneurs à accueillir et former un apprenant ou un stagiaire pendant plusieurs années. Au-delà du profil du stagiaire, l’accueillir dans l’entreprise a un coût conséquent. Il y a une rétribution et des avantages sociaux qui doivent être octroyés, mais aussi une myriade de coûts indirects qui viennent s’y ajouter (assurances, médecine du travail, frais de formation, etc.).

Tous ces postes ont été chiffrés par l’UCM  auprès d’indépendants et de PME en Wallonie et à Bruxelles.

La facture totale est impressionnante pour une entreprise formatrice : il faut compter au moins 12.000€ par an et par apprenant en contrat d’alternance (18.000 € pour une convention de stage chef d’entreprise). Pour 3 à 4 jours en entreprise par semaine, 9 à 10 mois de formation sur l’année (soit entre 950 et 1.300 h de formation par an), cela représente un coût horaire brut d’environ 10 €. C’est proche du coût d’un salarié classique dans certains secteurs, qui est plus opérationnel et peut parfois même bénéficier d’un plan d’embauche comme l’Activa ou l’Impulsion.

Une indemnisation financière est donc indispensable si l’on veut davantage développer l’alternance en entreprise. Aujourd’hui, nos entrepreneurs ne sont pas assez valorisés dans leur rôle « d’enseignants » à l’égard des apprenants. Il s’agit donc d’ouvrir de nouvelles perspectives aux entrepreneurs prêts à former un ou des jeunes, en leur donnant de vrais moyens pour proposer un encadrement de qualité, que ce soit en temps ou en moyens matériels, voire en dédicaçant certains travailleurs à la formation dans l’entreprise. Et d’enclencher un cercle vertueux.

Combien cela nous coûterait ?

C’est évidemment le nerf de la guerre. Sortons la calculette : on parle de 9.500 à 13.000€ par apprenant ou stagiaire. On compte actuellement un peu plus de 18.000 en formation en alternance en Belgique francophone.

Imaginons un objectif très ambitieux d’augmentation de 5.000 places de formation (du jamais vu dans les politiques actuelles !), nous arrivons à un coût brut d’environ 234 millions d’€. Auxquels il convient maintenant de retrancher tous les effets retours et réallocations budgétaires. Et il y en a. Beaucoup.

Il ne s’agit nullement de créer un gouffre budgétaire de plus. Le financement serait à amortir par différents canaux, perçus à différents niveaux de pouvoir.

Citons notamment :

  • Les économies liées à la mise à l’emploi : une (re-)mise à l’emploi d’une personne est estimée à 34.000 € par an par la Fédération européenne des services à la personne (EFSI) : 10.000 € d’allocations de chômage, 2.000 € d’accompagnement et 22.000 € en impôts, taxes et cotisations sociales. Cela concerne les apprenants, mais aussi les emplois qui peuvent être créés pour les « salariés formateurs » ou pérennisés par des reconversions de fin de carrière (mentoring).
  • L’économie d’autres subventions entourant l’enseignement et la formation des demandeurs d’emploi.
  • La diminution des dépenses en allocations sociales induite par le cumul limité entre allocation et rétribution de stage. Une formule d’amortissement est prévue pour que l’allocation de chômage soit partiellement réduite suivant la rétribution perçue. Au plus il y a des demandeurs d’emploi en alternance, au plus leurs coûts en allocations de chômage diminueront.
  • Un shift budgétaire de l’enseignement vers la compétence régionale. Nous y sommes. Point ô combien crucial et sensible politiquement.

Enseignement et marché du travail : la fin de la quadrature du cercle

En Fédération Wallonie-Bruxelles, le subventionnement public moyen d’un élève dans l’enseignement secondaire est de 7.400 € par année. Dans l’enseignement spécialisé, la facture annuelle grimpe à plus de 15.350 €. L’OCDE pointe que le coût de l’enseignement en Belgique francophone est un des plus élevés d’Europe (7,591 milliards € en 2016). Le score PISA des élèves francophones ne suit malheureusement pas cette tendance. Plus de 8 0% du budget est dédicacé au traitement des enseignants, pourtant en pénurie croissante. L’OCDE estime qu’accroître les salaires des profs n’arrangera rien à cette raréfaction dans la vocation : il faut plutôt améliorer les conditions de travail et désengorger les classes.

Face à l’orientation de plus en plus évidente d’encourager les jeunes à passer de l’enseignement classique vers la formation en alternance en entreprise, avec un job quasi-assuré à la sortie, il est logique qu’une enveloppe budgétaire suive.

Le soutien financier de nos entreprises formatrices ne devrait donc plus dépendre que des budgets actuels limités des Régions sur ce dispositif (exemple : une prime de 750 € en Wallonie mais uniquement pour l’accueil d’un contrat d’alternance la première année, une prime de 1.750 € par année à Bruxelles), mais également de nouveaux moyens qui pourraient provenir d’un shift budgétaire depuis la Fédération Wallonie-Bruxelles en couplant les politiques d’emploi, de formation professionnelle et d’(d’une partie de l’)enseignement.

Une mesure claire, lisible et disruptive. Il ne nous manque plus qu’une réelle volonté politique pour la mettre en œuvre. Stay tuned !

L'auteur.e de cet article

David PISCICELLI
Conseiller au service d'études et spécialisé dans les matières sociales (emploi, formation et droit du travail), je défends les intérêts des entrepreneurs et PME dans ces domaines.
David PISCICELLI

David PISCICELLI

Conseiller au service d'études et spécialisé dans les matières sociales (emploi, formation et droit du travail), je défends les intérêts des entrepreneurs et PME dans ces domaines.

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