Restaurateurs, droit passerelle et respect des indépendants

L’étude du Pr Philippe Defeyt tend à conclure que les restaurateurs seraient les gagnants de la crise. La faute, selon lui, à un statut social trop solidaire. UCM s’inscrit en faux de ces théories de « hold up » !

Face aux approximations, aux erreurs et aux biais que comporte cette étude clivante de l’Institut pour un développement durable relayée largement dans la presse, UCM ne peut rester sans réaction forte pour en dénoncer le contenu et les conclusions et déplore les « petits jeux » à un moment où les maître mots devraient être entraide et solidarité.

Au coeur de la crise, l’essentiel serait pourtant de se concentrer sur la prolongation des mesures temporaires de droit passerelle, plutôt que de courir après l’idée que les indépendants payent décidément trop peu de cotisations !

49 % des restaurateurs toucheraient trop de droit passerelle en comparaison avec la perte de revenus… Cette analyse reprise dans l’étude dénote d’une apparente méconnaissance de la sécurité sociale des travailleurs indépendants. Elle est erronée. Totalement erronée. Pourquoi?

Le statut social (la sécurité sociale des travailleurs indépendants) a été fortement renforcé ces 15 dernières années, dans une philosophie qui reste inchangée : couvrir par des aides, le plus souvent forfaitaires, les situations de risques les plus graves.

Personne ne niera que la crise Covid fait partie des risques les plus graves. Et ce modèle est un succès. C’est ce statut social fort a permis d’intervenir dès mars 2020 – via des caisses d’assurances préparées, juste mises sous pression par la masse des dossiers – à tous ces entrepreneurs titulaires de droit fragilisés par la crise Coronavirus.

  • L’étude sous-entend qu’un indépendant qui gagne 6.000 € annuel bénéficierait, grâce au droit passerelle, d’un revenu mensuel supérieur au revenu dont il bénéficie en période d’activité normale. C’est nier le fait que chaque indépendant cotise au minimum 2.800 €/an, soit des cotisations calculées sur un revenu de 14.000 €, même si dans les faits, son revenu est inférieur à ce montant. En bénéficiant d’un droit passerelle de 1.291€ (ou 1.614 € si charge de ménage),  0 % des indépendants n’ont bénéficié d’un droit passerelle nettement plus élevé que le revenu sur base duquel ils payent leurs cotisations !
  • Les 1.291 € (1.614 € si charge de ménage) du droit passerelle sont des forfaits que les derniers gouvernement ont voulu placé au-dessus du seuil de pauvreté. Est-ce trop haut ?
  • Ou bien est-ce trop bas, pour ceux qui ont des revenus habituels supérieurs ? Mais l’étude du Professeur Defeyt se base elle-même sur les revenus de 2016. Les indépendants ne sont pas des salariés, leurs revenus peuvent fluctuer. Ils n’ont pas de revenu “habituel”, c’est le sort des indépendants. Peut-on affirmer que 2016 est la base stable pour calculer la perte de pouvoir d’achat et octroyer des prestations plus élevées ?

UCM ne peut supporter que le Pr. Defeyt attaque la sécurité sociale sur de soi-disant abus pour conclure qu’elle doit être revue en “s’inspirant des principes applicables en matière de chômage des salariés”, et ce, sur la base d’une mesure politique de bon sens adoptée à l’unanimité à la Chambre mais qui est totalement temporaire : le doublement des montants pour les trois mois du 2e confinement.

Évidemment, des montants doublés ne sont pas pérennes pour la sécurité sociale des indépendants. Mais ils ont été ici justifiés exactement parce que la situation des travailleurs indépendants ne peut pas être examinée de la même façon que celle des salariés. Bon sang mais c’est bien sûr !

  • La fermeture du commerce et l’absence de chiffre d’affaires, ça signifie : absence de revenus pour l’indépendant et son ménage, un loyer qui continue à courir, des assurances, la gestion du personnel, toute une série des charges fixes qui continuent à courir, et qui mettent à mal sur le court et moyen terme les ressources du ménage et ce, sans compter le loyer de leur habitation privée ou remboursement de crédit hypothécaire qui persistent également.
  • Dans le même ordre d’idée, il n’y a toujours pas d’arrangement avec le secteur bancaire pour suspendre les charges liées aux investissements…
  • On sait par ailleurs que des aides économiques sont développées par les Régions, mais qui ne peuvent suffire à couvrir toutes ces dépenses… et qui se font toujours attendre pour ce qui concerne la Région wallonne
  • La décision du jeudi 16 octobre de fermer l’horeca dans les 48 heures (avec des impacts en termes de stocks perdus) puis, 10 jours plus tard, la décision de fermer plus largement une série de commerces sont tombées comme un coup de massue économique, financier et mental ! Cette décision politique de doubler les montants, aussi déséquilibrante soit-elle pour le statut social, était indispensable.

Prolongation des mesures temporaires de crise, pas sur le modèle salarié !

UCM demande que les mesures temporaires de crise actuelles soient prolongées pour au moins la première moitié de 2021. Elle met en garde ceux qui voudraient changer le système pour « s’inspirer du modèle salarié »!

  • La situation des indépendants et de leur ménage est dramatique. Le système de droit passerelle de crise, combiné à un droit passerelle de soutien à la reprise est connu, est géré, ne donne pas lieu à des abus. Il doit être maintenu tant que la crise n’est pas terminée.
  • Dans son rapport de septembre 2020, le Comité de gestion du statut a demandé de cibler mieux TOUS LES CAS LES PLUS GRAVES, c’est-à-dire d’en finir avec les exclusions de certains secteurs (paramédical, construction, services aux entreprises, traducteurs, autres frelances,…) pour le système de droit passerelle de soutien à la reprise et par contre de couvrir tous les indépendants dont le chiffre d’affaires s’est écrasé sévèrement. Cela peut aujourd’hui faire l’objet d’une réforme à la marge, au profit des indépendants.
  • Le modèle salarié vise – et c’est une logique qui convient – à intervenir mois après mois pour couvrir la perte du mois. La plupart des indépendants n’ont pas d’idée de leur revenu du mois, ni de preuve officielle de leur chiffre d’affaires mensuel. Leur comptabilité est trimestrielle pour la grande majorité des indépendants en personne physique. UCM reste attentive à ce qu’on respecte les spécificités du modèle indépendant, sans quoi l’introduction d’une demande de droit passerelle pourrait s’avérer complexe et piégeuse pour l’indépendant et son comptable. Ce n’est pas admissible.

Soutien et respect ! Merci !

L’appel de l’UCM aujourd’hui est de se recentrer sur l’essentiel, cette prolongation des mesures de crises. A moins de 40 jours de 2021, il faut aujourd’hui des certitudes sur la prolongation des systèmes qui ont fonctionné au niveau de la Sécurité sociale belge des indépendants et qui sont un exemple dans le monde.

Le gouvernement appelle depuis le début de la crise à la solidarité entre les 11 millions de belges. Alexander De Croo a encore martelé que l’objectif est de ne laisser personne au bord du chemin. Les études qui tentent de monter les citoyens les uns contre les autres peuvent rester dans les cartons. Tout au fond !

Benjamin LUCAS

Benjamin LUCAS

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