Ceci n’est pas une réforme des pensions

Bon, ça, c’est la conclusion de la Commission européenne. Mais pour UCM, ce n’est pas d’une réforme des pensions dont il faut parler. La crédibilité viendra d’une réforme des carrières.

Le gouvernement fédéral tente, en ce début 2023, de trouver les modalités pour « réformer les pensions ». Il s’agit de diminuer la charge budgétaire des 50 prochaines années. En point de mire immédiat : la récupération des subsides du Plan de relance européen.

Pendant ce temps-là, les partenaires sociaux, dont UCM, participent aux travaux du Comité national des pensions (commission ad hoc). On y discute « pensions », mais aussi et surtout « carrières ». Le Comité espère que ses recommandations seront bien prises en compte par ledit gouvernement.

Mais que dit la principale ministre concernée ?

« Les pensions ne sont pas une variable d’ajustement budgétaire. Le gouvernement s’y est engagé. Nous ne ferons pas d’économies sur le dos des pensionnés. » Karine Lalieux, notamment dans son communiqué de presse du 13 septembre 2021 et maintes fois répété par la suite.

Comment s’en sortir alors ??

L’objectif n’est pas de faire des économies sur le dos des pensionnés !

La Ministre a raison, au moins jusqu’à un certain point. Il ne s’agit pas de faire baisser les montants des pensions.

D’ailleurs, le gouvernement a accumulé les augmentations ces dernières années :

  • La pension minimum a été revalorisée à un rythme inouï : +38,5% sur une législature !
    Encore au niveau de 1.254 € début 2019, elle s’élève aujourd’hui à 1.637 € (taux isolé). Et sur la base de la feuille de route du gouvernement, le montant devrait encore augmenter d’une centaine d’euros d’ici le 1er janvier 2024. Tout cela sans financement ;
  • En plus d’être indexées, les rentes de pension ont été revalorisées dans le cadre des « adaptations des prestations au bien-être », dans un contexte où les augmentations salariales se limitent, elles, à l’indexation ;
  • Les pensions des indépendants ont été délestées du coefficient négatif (la fameuse suppression du coefficient de correction). Mais là, c’est surtout une revalorisation progressive qui sera pleinement effective… en 2066.

Dans ce contexte, et au titre de mesure immédiate, UCM soutient un ralentissement ces prochains mois de l’augmentation initialement prévue des pensions minimums. Une question d’équilibre et d’équité.

Un must : promouvoir la carrière travaillée

Pour UCM, l’essentiel est de travailler sur les carrières. Il s’agit de viser à attribuer davantage de droits de pension pour les années de travail effectif. Et pourquoi ?

« Actuellement, celui qui travaille et paye ses cotisations ne voit pas de manière très claire sur MyPension ce qu’il constitue comme pension en retour. Il ne voit pas si son travail et ses cotisations ont plus de valeur qu’une année dite « assimilée » sans cotisations. » Renaud Francart, sur LN24 ce 19 janvier.

Les pensions de retraite sont, en Belgique, financées pour leur plus grande part par les cotisations sociales des actifs. Il est fondamental que les systèmes de pensions promeuvent ces cotisations… en d’autres mots qu’ils promeuvent l’activité effective de sa population.

En Belgique, en moyenne un tiers de la carrière d’un travailleur salarié est acquise « par assimilations » et non « par le paiement de cotisations ». C’est énorme.

La seule et unique façon de réagir et d’assurer cette promotion du travail, c’est de mieux valoriser la carrière travaillée comparée aux autres périodes. Quelques exemples :

  • Prévoir un nombre minimum de périodes travaillées pour accéder au dispositif favorable de la pension minimum. C’est le projet – fort limité (10 années travaillées suffiront) – du gouvernement d’Alexander De Croo ;
  • Prévoir un nombre minimum de périodes travaillées pour accéder à une pension anticipée ;
  • Prévoir un bonus de pension non pas pour tout qui travaille à un âge proche de la pension – ça c’est le projet actuel et coûteux du gouvernement -, mais le prévoir par exemple pour les années qui dépassent 35 années travaillées. Ainsi, les 36e, 37e,… années travaillées pourraient être valorisées à 110% plutôt que 100% dans le calcul de la pension.

Les exemples ne manquent pas. Et nous insistons ici sur le fait qu’il ne s’agit pas de balayer violemment les précieux mécanismes d’assimilation.

Il s’agit bien de viser une même performance sociale globale (pas de baisse des pensions) mais dans un cadre mieux auto-financé, dans un cadre plus auto-portant. Cela, par davantage de cotisations payées, avec les encouragements des systèmes-mêmes de pension.

Quel crédit peut-on accorder à nos régimes de pension ?

En conclusion de cet article, nous voulons rétablir le vrai cadre des discussions sur les réformes.

STOP – La question ultime n’est pas « comment faire des économies ? ». Difficile en effet d’envisager à court ou moyen termes des diminutions des prestations, si ce n’est à la marge lorsque des systèmes préférentiels donnent des montants de retraite qui dépassent l’ambition-même d’une sécurité sociale.

STOP – La question n’est pas non plus « comment nous allons financer les pensions à l’avenir ? » « Taxer encore plus le travail ? » « Taxer les riches ? Les ultra-riches ? » « Taxer les pollueurs ? » : ce sont des choix qui ne concernent pas directement les pensions. L’Etat a l’obligation de faire face à ses dépenses et ses promesses sociales, et à limiter les dérapages budgétaires. Et chaque gouvernement, en fonction de son programme, fera en sorte de trouver les moyens nécessaires par des politiques fiscales et para-fiscales qu’il jugera acceptables par l’opinion publique et judicieuses économiquement.

GO – La question qui doit nous mobiliser dans nos réformes des pensions ou des carrières, c’est la question de la crédibilité. Comme ce sont l’activité économique et le dynamisme du marché du travail qui, via les cotisations sociales, sont la première clef pour asseoir le financement des pensions, les systèmes de pensions en font-ils assez pour soutenir le travail et le paiement de cotisations sociales ? Nos systèmes de pension sont-ils intrinsèquement crédibles ? Sont-ils dignes de recevoir à moyen et à long termes les milliards de moyens financiers qu’on va devoir mobiliser pour les pensionnés ?

C’est à ces questions qu’on doit aujourd’hui apporter des réponses.

L'auteur.e de cet article

Renaud FRANCART
La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
Renaud FRANCART

Renaud FRANCART

La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.

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