Après la Chine, le Canada et le Mexique, c’est au tour de l’Union européenne de tomber sous les radars du protectionniste président Trump. Les taxes sur les importations d’acier et d’aluminium à 25 % seront réalité dès le 1er avril. Il a été annoncé qu’une série de biens complémentaires pourraient être ajoutée à la liste mais rien n’a encore été confirmé, plongeant l’économie dans le flou. Avec quels effets pour nos PME ?
Un virage protectionniste qui fragilise les relations transatlantiques…
Le président cherche avant tout à répondre à des enjeux domestiques : plaire à un électorat républicain, notamment dans la région désindustrialisée de la Rust Belt, via la promesse d’un retour à une industrie domestique pourvoyeuse d’emplois. Pourtant, rappelons que les droits de douane sont avant tout une taxe sur la consommation et donc sur les Américains eux-mêmes.
Néanmoins, les relations avec l’Union européenne s’en trouvent profondément modifiées et une incertitude se crée pour les PME exportatrices vers les USA, mais pas seulement.

La politique versatile de Trump a aussi d’autres conséquences, notamment le renforcement de la concurrence internationale vis-à-vis de l’UE : les pays non visés par les droits deviennent plus compétitifs sur le marché américain et l’Europe court un risque accru de déplacements de production dans ces pays. La Turquie, par exemple, est à ce stade exemptée de nouveaux droits de douane. Ceci repose donc avec acuité la question de notre compétitivité.
…et provoque un changement de paradigme européen
Rapidement, l’UE a pris l’engagement de contre-mesures « rapides et proportionnées ». Dès le 1er avril, les produits états-uniens qui étaient taxés entre 2017 et 2021 (réponse à la première présidence Trump) seront à nouveau taxés. Un deuxième paquet de contre-mesures sera présenté à la mi-avril, après consultation des Etats-membres, pour atteindre des montants similaires à ceux imposés par le président américain (entre 25 et 30 milliards). Il est question de produits agricoles et industriels (produits en acier et en aluminium, textiles, appareils ménagers…).
Longtemps considéré comme un colosse économique sans défense, un soft power sans capacité de contrainte, l’UE a fondamentalement et rapidement changé sa politique : plan massif d’investissement, relance de l’industrie de la défense, adaptation des politiques d’aides d’Etat, questionnement sur sa compétitivité, etc. Nous abordions déjà l’effet positif que pouvait provoquer le retour de Trump aux affaires pour les PME, il semble en tout cas provoquer un sursaut notable dans le chef de nos décideurs.
Quelles conséquences concrètes pour nos PME belges ?
Selon les derniers chiffres de l’AWEX et d’Eurostat, les échanges européens avec les USA ne cessent de croitre, avec une augmentation de 400 milliards en 10 ans (soit un doublement). C’est le premier partenaire commercial de notre continent, représentant 16,7 % de nos échanges, près de 30 % du commerce mondial de biens et de services.
La Belgique, dont l’économie très ouverte a perdu en compétitivité au cours de la dernière décennie, est particulièrement vulnérable à cette nouvelle dynamique protectionniste. Les Etats-Unis sont le premier marché non UE pour la Belgique et représentent 7,6 % du total de nos exportations (28 milliards en 2023). Cette proportion est supérieure de 6,6 % à la moyenne européenne. Ces exports sont principalement constitués de produits pharmaceutiques (la moitié des ventes). Les véhicules, machines, produits chimiques et métaux précieux complètent le classement des exportations majeures.

Ainsi, dans une configuration de droits de douane concernant uniquement les produits dérivés de l’acier et de l’aluminium, l’impact serait certes présent mais limité dans un premier temps. Au niveau sectoriel, il faut noter que la Wallonie exporte 85 % de son acier au sein de l’Union européenne. Si les droits devaient être élargis à d’autres secteurs, les effets pourraient être davantage systémiques pour une industrie belge qui tourne déjà à capacité réduite (aux alentours de 70 %). Un élargissement des droits de douane serait délétère et pourrait réduire le Produit intérieur brut (PIB) belge de 0,11 % dans l’hypothèse d’un droit de douane de 10 %, et à 0,26 % dans le cas d’un droit de douane de 25 %, selon plusieurs économistes.
Notons enfin que les effets ne seront pas limités à nos échanges avec les USA. En effet, notre pays est intimement lié aux économies des poids lourds européens tels que la France et l’Allemagne. Une diminution des échanges commerciaux entre d’autres pays européens et les USA aura un impact direct sur nos PME.
Exporter autrement : vers une diversification des marchés et partenaires commerciaux
Les effets induits sont difficilement chiffrables puisque la liste des produits taxés n’est pas stabilisée. Et si diminution d’export il devait y avoir, nous ne savons pas comment nos partenaires commerciaux se comporteront. La dépendance de nos partenaires au marché américain sera déterminant dans la bonne santé de notre économie. Malgré tout, UCM souhaite rappeler les points suivants :
- Il faut distinguer les biens et les services : l’UE a une balance commerciale positive pour les biens (150 milliards) mais négative pour les services (100 milliards). Lorsque Trump parle de rétablir un équilibre commercial, il ne vise que les biens. Les services sont à ce stade exemptés de droits de douane quel que soit le secteur.
- Si les Etats-Unis sont un partenaire économique important, il y a d’autres partenariats possibles à approfondir. Le Canada, le Mexique, le Mercosur ou l’Inde sont des partenaires importants dont le potentiel n’a pas encore été pleinement exploité. Les récentes visites d’Etat au Brésil et en Inde ne sont pas anodines. Néanmoins, UCM rappelle, comme dans le cadre du Mercosur, son attachement à des accords équilibrés et respectueux de nos PME.
Des effets difficilement prévisibles sans clarification américaine
Pour terminer, prenons un de nos fleurons nationaux : le secteur brassicole. Il est aussi dans le viseur du président américain : la récente diversification des marchés et les choix stratégiques des grands groupes de brasser aussi localement devrait permettre de se prémunir des impacts des droits de douane.

Alors que les brasseurs belges exportaient 2,4 millions d’hectolitres de bières outre-Atlantique en 2019, ce volume est tombé à 196 000 hectolitres en 2023. Le Royaume-Uni ou la Chine sont aussi devenus des marchés plus importants. Néanmoins, les hectolitres restants sont principalement constitués de productions de PME belges n’ayant pas la capacité d’implanter des unités de production outre-Atlantique.
En conclusion, toutes les PME ne sont pas exposées de la même façon à ces turbulences commerciales, que ce soit par leur taille, leur secteur, leur type de partenaires. Nous resterons attentifs à ce qu’elles soient prises en compte dans leur spécificité et qu’elles puissent être utilement conseillées et accompagnées pour passer ce cap de l’export et de la diversification.
L'auteur.e de cet article
- Conseiller Lobby - Chargé des études socio-économiques au Service d'Etudes
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