Le thème de la lumière et de la clarté s’applique particulièrement à la réforme des pensions. Verra-t-on enfin la lumière au bout du tunnel ? Ce fameux « défi du vieillissement » attend depuis plus de 20 ans. Aspect important à checker : c’est la transparence. Ces réformes vont-elles accoucher d’un système clair, transparent, compréhensible pour tout un chacun ? C’est crucial pour atteindre les objectifs de dynamisation du marché du travail. Très peu de textes légaux jusqu’ici. Voici nos impressions après un an de gouvernement Arizona.
Nous avons lu en long et en large l’accord de gouvernement. Le programme Arizona est ambitieux en matière de pensions.
- Réforme des conditions pour la pension anticipée pour carrière longue,
- Création d’un système de corrections : malus en cas d’anticipation, bonus en cas de pension prise plus tardivement,
- Harmonisation des règles en matière de pension minimum,
- Limitation de la prise en compte des périodes assimilées,
- Alignement du régime des fonctionnaires sur les autres régimes de pension,
- Certaines modifications du traitement fiscal des revenus de pension.
Ce sont beaucoup de textes en vue. Il est important de ne pas les développer en silos. Sinon le risque est grand de rater une cible essentielle.

La Belgique a besoin d’un système de pension responsabilisant, motivant et qui peut ainsi dynamiser le marché du travail. Ce système se doit d’être COMPREHENSIBLE. Sans quoi, il sera sans grand effet. Il aboutira à un simple sentiment de sanction chez les nouveaux pensionnés.
Et partant, quand on parle des réformes, il est crucial que leurs impacts soient aisément lisibles sur MyPension.be.
Réforme des pensions : des intentions claires, une lisibilité en question
L’accord de gouvernement Arizona annonce la poursuite des réformes de pension avec plusieurs objectifs affichés : valoriser le travail, encourager les carrières longues et garantir la soutenabilité du système. Jusque-là, rien à redire.
1️⃣ Première remarque : la soutenabilité financière ne sera pas retrouvée par ces réformes. On va juste l’améliorer légèrement et partiellement. Comment ?
- D’une part, par quelques corrections de mécanismes inéquitables entre les régimes. Citons le fait que, dans le régime de la fonction publique, chaque droit de pension pour une année de travail sera désormais calculé sur le revenu de cette année-là, et non sur les dix derniers plus gros revenus de la carrière. Quelques économies équitables bienvenues donc.
- Et d’autre part surtout par l’encouragement à travailler, et donc à financer le système par des cotisations. Les règles nouvelles diminuent la valorisation de certaines périodes sans travail ni cotisations (périodes assimilées). Les règles nouvelles créent un meilleur différentiel entre non travail et travail. Le travail y est mieux valorisé.
Par contre, la soutenabilité financière pleine et entière demandera aux prochains gouvernements d’être créatifs pour développer le financement, de façon à – et c’est obligatoire pour notre Etat – honorer les promesses de pension.
Valorisation du travail : pour une notion lisible sur MyPension
2️⃣ Deuxième petite remarque : si les règles changent avec l’objectif de modifier la culture du travail et sa valorisation, il ne suffit pas de le chanter dans des communiqués de presse. Il faut – UCM y veillera – que cela se voie sur les tableaux de bord individuels de chaque travailleur, de chaque citoyen.
Et le tableau de bord en matière de pension, c’est MyPension.

Actuellement, MyPension délivre des données brutes : vos années valables pour le calcul de la pension. Et puis vous indique le montant total espéré, et à quel date. C’est intéressant, mais ça ne vous donne absolument aucune information, par exemple, sur la différence entre vos périodes travaillées (cotisées) et vos périodes assimilées (sans cotisations).
La zone « Nouveau » de l’illustration ci-dessus est fictive. Cette zone n’existe pas encore.
Et ce qui n’existe pas encore non plus sur MyPension, c’est un tableau de bord reprenant :
- La durée de votre carrière globale.
- La durée de votre carrière de travail effective.
Parlons-en !
Conditions de carrière pour la pension : la voie vers le chaos !
3️⃣ Troisième et dernière remarque pour aujourd’hui : quand on regarde les réformes dans le détail, telles que décrites dans l’accord de gouvernement, on constate que la direction est claire. Certes. Mais aussi qu’une partie des mesures sont conditionnées par des durées de carrière.
- L’accès à la pension minimum (montant de solidarité) est conditionné par une durée minimum de 30 ans de carrière.
- Il est aussi conditionné par une durée minimum de carrière travaillée : 15 ans de travail, au sens strict.
- L’accès au droit à anticiper sa pension est lié à l’âge de 60 ans et à une durée minimum de carrière de 44 années de carrière globale.
- Une nouvelle possibilité d’anticiper sera donnée aux carrières effectives longues à partir de 2027. Ici, c’est la carrière travaillée qui est prise en compte : 42 années suffisamment travaillées sont requises?
- Enfin – et c’est déjà pas mal – l’accord Arizona prévoit la mise en œuvre d’un malus jusque 5% par année d’anticipation (départ avant 67 ans). Ce malus ne sera pas appliqué si l’individu dispose d’une carrière travaillée d’au moins 35 années.
Ce qui remonte des travaux, c’est que chacune des ces 5 premières conditions de carrière répond à des règles différentes. Tantôt, travailler c’est être actif 156 jours par an. Pour une autre condition, c’est 208 jours. Pour certaines, on tient compte des congés de maternité, parfois pas. Et parfois aussi des premières périodes de maladie. Et les durées globales demandées sont également différentes pour chaque mesure conditionnée. C’est intenable, absolument pas transparent, et surtout inefficace.
Autant dire que pour un indépendant ou un travailleur lambda, s’y retrouver relèvera du casse-tête. Encore un peu plus qu’aujourd’hui. Au mieux, chacun trouvera cinq compteurs de carrière différents sur son dossier MyPension. Au pire, chaque futur pensionné devra, parfois amèrement, s’en tenir aux décisions de l’administration des Pensions.

Conclusion : keep it simple, please !
La conclusion est rapide. Les textes seront déposés prochainement à la Chambre, sans doute courant ou fin de l’été à la rentrée. La qualité de ces textes tiendra en partie à la capacité des ministres des Pensions et des Indépendants, mais aussi des cinq partis, à revoir leur copie concernant ces « compteurs de carrière ». Les textes devront être écrits dans l’idée que le tableau de bord MyPension soit lisible, qu’il donne du sens, qu’il soit donc vraiment motivant en termes d’activation vers le travail.
En d’autres mots, la réforme des pensions peut réussir. Mais elle devra tenir ses promesses de clarté. Sans quoi, au lieu de renforcer la confiance, elle risque d’aggraver les incertitudes.
L’UCM restera vigilante : pas seulement sur les droits, mais aussi sur la capacité de chacun à les comprendre. Car une réforme utile, c’est une réforme que l’on comprend.
L'auteur.e de cet article
- La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
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